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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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eu le choix, je ne l’ai pas eu non plus. Isabel, ce
futur qu’ils nous ont enlevé, nous pouvons le donner à notre fils.
    — De quoi voulez-vous parler ?
demanda-t-elle avec aigreur.
    — Laissez-moi révéler à Garcia sa véritable
origine, reconnaissez-le comme un Mendoza. Je n’ai pas voulu lui dire la vérité
sans votre consentement. Mon père l’adoptera si je le lui demande, mais votre
lignage est supérieur au mien, et j’aimerais qu’il l’ait. Vous n’y perdrez pas
beaucoup – votre frère et vous, sans lignée légitime, êtes les derniers Mendoza
—, et Garcia a tout à y gagner. Avant de retourner à Rhodes, je compte le
laisser aux bons soins de ma famille pour qu’il soit nommé chevalier quand il
aura vingt ans. C’est un garçon admirable, Isabel, il est bon et intelligent
comme vous, et extrêmement beau. Si je vous disais qu’à Paris, une personne qui
connaissait votre frère Manrique a fait aussitôt le lien entre eux ! Il
est très grand pour son âge, peut-être un peu trop, j’ai même peur parfois
qu’il se disloque les os tant il est maigre, et il a déjà du duvet sur le
visage.
    Je parlais sans discontinuer. Je voulais
émouvoir Isabel en lui permettant d’imaginer son fils. Mais ce fut peine
perdue. J’aurais peut-être dû recourir à une ruse, mais l’idée ne m’avait même
pas effleuré. Je peux mentir et me parjurer, mais il y a certains sujets sur
lesquels ma conscience se montre intransigeante.
    — Non, don Galcerán, je ne peux accepter
votre proposition. Je vous le répète, au cas où vous ne m’auriez pas bien
comprise, que sans même parler de questions d’héritage qui s’en trouveraient
grandement compliquées, je n’ai pas d’enfant !
    — Mais c’est faux !
    — Je sais, répondit-elle d’un ton ferme. On
m’a enterrée vivante ici il y a quinze ans, et depuis je suis morte au monde.
Les morts ne peuvent rien faire pour les vivants. Le jour où j’ai passé le
seuil de ce couvent pour la première et la dernière fois, j’ai su que tout
était fini pour moi, et qu’il me restait juste à espérer la mort. Je n’existe
plus, j’ai cessé d’exister à quinze ans. Je ne suis qu’une ombre, un fantôme.
Et vous n’existez pas pour moi, pas plus que ce fils qui est dehors... Elle me
regarda, impassible. Faites ce que vous voudrez, dites-lui qui est sa mère si
vous le voulez, mais dites-lui aussi qu’il ne pourra jamais la connaître. Et
maintenant adieu, don Galcerán. L’heure de none approche et je dois me rendre à
l’église.
    Et tandis qu’Isabel de Mendoza disparaissait
pour toujours derrière les feuilles et les fleurs de pierre qui ornaient
l’arche de la porte, les cloches du monastère sonnèrent, appelant les
religieuses à l’oraison. Je ne devais plus revoir la femme qui avait marqué ma
vie à jamais comme j’avais marqué la sienne. Notre existence eût été bien
différente si nous ne nous étions pas connus, si nous n’étions pas tombés
amoureux l’un de l’autre. Mais nos destins, même à distance, demeureraient
entrelacés et nos sangs unis pour les siècles à venir à travers les descendants
de Jonas. Jonas ! me souvins-je soudain. Je devais retourner sans tarder à
l’auberge.
    Je quittai les lieux et parcourus d’un bon pas
la distance qui me séparait de l’Hospital del Rey. La nuit tomba rapidement et
les grillons chantaient déjà. J’aperçus Jonas sur l’esplanade jouant avec un
énorme chat brun qui devait être couvert de puces.
    — Ils servent à manger, monsieur !
cria-t-il en me voyant. Dépêchez-vous, j’ai faim !
    — Non, viens ici !
    — Que se passe-t-il ?
    — Rien, viens.
    Il s’élança vers moi et fut à mes côtés en un
instant.
    — Que vouliez-vous me dire ?
    — Je veux que tu regardes bien ce monastère
qui se trouve devant toi.
    — Une piste des Templiers y est
cachée ?
    — Non, il n’y a aucune piste, dis-je, ne
sachant par où commencer.
    — Alors, quoi ? me pressa-t-il, c’est
que j’ai très faim, moi.
    — Écoute, Jonas, ce que j’ai à te dire
n’est pas facile, alors je veux que tu m’écoutes avec attention et surtout sans
m’interrompre jusqu’à ce que j’aie terminé.
    Je lui racontai tout d’une traite sans rien
omettre, sans m’excuser tout en disculpant sa mère, et quand j’eus fini – il
faisait alors nuit noire – je poussai un long soupir et me tus, épuisé. Le
silence se prolongea un long moment.

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