Il était une fois le Titanic
au paquebot endommagé. Certaines pièces destinées au Titanic furent même réquisitionnées ou démontées pour les placer sur son jumeau. Cette parenthèse dura huit jours et perturba considérablement l’organigramme de la compagnie.
De l’exaltation à l’anxiété
Le 7 mars 1912, l’ Olympic fut remis en service sur la ligne Southampton-New York et, le 30, Edward John Smith cédait son commandement au capitaine Herbert Haddock.
À Belfast, on s’apprêtait à fêter enfin l’issue de trois années de travail dont les derniers mois s’étaient déroulés dans la fièvre et la précipitation. Il ne restait plus qu’à valider officiellement la conformité du navire et sa capacité à naviguer. Or les essais en mer, programmés sur deux jours, furent reportés de vingt-quatre heures en raison du vent de force huit qui soufflait en rafales et des creux de neuf mètres qui s’étaient formés au large de Belfast. Aussi, sur l’insistance de la compagnie, les experts du ministère
acceptèrent d’effectuer une seule sortie, de manière à ne pas perdre une nouvelle journée.
Le 2 avril, à 5 h 30, les chaudières étaient déjà sous pression depuis une demi-heure lorsque le capitaine Smith prit son poste sur la passerelle du nouveau bâtiment. Il était accompagné du représentant du Board of Trade, Francis Carruthers.
Cinq remorqueurs halèrent le mastodonte jusqu’à la sortie de l’estuaire et les aussières furent larguées. À la drisse du mât de misaine, les pavillons du code international claquaient au vent pour signaler que le navire procédait à des exercices et qu’il fallait rester à distance.
Familier de l’ Olympic , auquel le Titanic ressemblait en tous points sur le plan technique, le plus célèbre commandant de la White Star Line n’eut aucune difficulté à dompter le colosse. Les machines furent d’abord mises en avant lente, puis il fut procédé au premier essai de vitesse. Avec vingt chaudières allumées, le Titanic prit rapidement 20 nœuds. C’était mieux que les performances de son jumeau lors de ses propres essais, et Thomas Andrews, à bord aux côtés du vice-président de la compagnie, Harold Sanderson, s’en félicita.
Les nombreux virements exécutés ensuite se révélèrent satisfaisants et ni la stabilité du navire ni la gîte 98 ne s’en trouvèrent affectées aux plus grands angles de barre. Il fut souligné que son rayon de giration était inférieur à 1 000 mètres, ce qui, pour un bâtiment de ce déplacement, était néanmoins tout à fait acceptable.
Des critiques s’étaient élevées quant à la taille du safran 99 de l’ Olympic , jugée trop petite et donc insuffisamment efficace en cas de virement précipité. Thomas Andrews avait fait répondre que, pour tourner au plus court avec un navire muni de trois hélices, il fallait non seulement jouer avec les
propulsions latérales, mais surtout maintenir une vitesse maximale sur l’arbre central, dont le filet d’eau projeté sur le safran augmentait l’efficacité, tout en compensant la surface du safran. Aussi, lorsque la manœuvre fut tentée, le Titanic répondit-il pleinement à ce qui lui était demandé.
Il fallait maintenant vérifier l’arrêt d’urgence à pleine vitesse, que Francis Carruthers ordonna en début d’après-midi. Mesurée au télémètre à partir d’une bouée jetée à la mer, la distance parcourue par le géant fut estimée à un demi-mille. Compte tenu de sa taille et de son poids, le Titanic se montra digne, une nouvelle fois, de ce que l’expert en attendait.
Lorsque Thomas Andrews, Harold Sanderson et le commandant Smith comparèrent leurs impressions générales avec celles du représentant de l’administration, celles-ci furent « optimistes et enthousiastes », selon l’expression de John Eaton et Charles Haas 100 . Le navire fonctionnait parfaitement et répondait aux normes en vigueur.
Un détail contrariait cependant le chef mécanicien Joseph Bell. Une vétille selon les ingénieurs, mais qu’il avait déjà soulevée à propos de l’ Olympic et qu’il constatait maintenant sur le Titanic . Andrews lui signifia qu’il était trop tard pour installer l’inverseur de marche qu’il réclamait, seul capable d’arrêter la rotation de l’arbre d’hélice en moins de vingt secondes. Le chef en faisait son obsession, sachant que ce système réduisait considérablement le risque de collision. Bell n’avait pas de prémonition, il
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