Il était une fois le Titanic
croiseur, six fois moins lourd. Les marins du Hawke eurent tout juste le temps de fermer les cloisons étanches, mais une voie d’eau s’étant déclarée, le navire de guerre prit tout de suite une forte inclinaison. Un seul compartiment ayant été envahi par les eaux, il put néanmoins se maintenir à flot.
Il fut officiellement reconnu que si la maniabilité du géant de la White Star manquait de réactivité, sa masse était à prendre en compte à l’avenir, lors des manœuvres portuaires notamment.
Le croiseur, dont l’étrave était fortement endommagée, fut mis sur cale. Quant à l’ Olympic , il avait le flanc droit défoncé. Un trou béant s’ouvrait à l’arrière de la quatrième cheminée, sur une longueur de plus de quatre mètres, au-dessus de la ligne de flottaison. Si cette brèche ne menaçait pas de le faire sombrer, elle exigeait une réparation immédiate car deux compartiments avaient été endommagés en même temps qu’une partie des machines. L’arbre de transmission et les pales de l’hélice tribord avaient subi des dégâts qui imposaient de le ramener au chantier naval.
La traversée fut annulée. Tous les passagers furent conduits en train jusqu’à Londres, où certains décidèrent de gagner Liverpool afin d’embarquer à bord de l’ Adriatic .
Dans l’incapacité de se mouvoir seul, l’ Olympic fut remorqué jusqu’à Belfast après que sa coque eut été provisoirement colmatée. La nouvelle de l’accident inquiéta la compagnie. La direction craignait de nouvelles attaques de la concurrence et, partant, la suspicion de la clientèle au moment où l’on enregistrait les premières réservations sur le Titanic .
Chez Harland & Wolff, c’était l’incrédulité. Lord Pirrie avait consulté ses directeurs, et Thomas Andrews, à la vue des dégâts occasionnés sur l’ Olympic , dut convenir qu’il ne pouvait être réparé à flot. Or dans la cale Thomson qu’il fallait immédiatement libérer, le Titanic était encore en pleins travaux. Il fallut donc surseoir à ses aménagements et le remettre à quai. Le 6 octobre, les métallurgistes se remettaient à l’œuvre sur la coque de son jumeau malchanceux. Le 1 er décembre, l’ Olympic pouvait enfin reprendre son service, ayant subi quelques modifications mineures en plus de ses réparations, et les ouvriers retournaient à bord du Titanic avec pour consigne d’accélérer
la cadence. Du fait du retard accumulé, la date du voyage inaugural fut reportée du 20 mars au 10 avril 1912.
Du côté de la compagnie, tout serait fait pour expliquer que l’accident de Southampton prouvait l’insubmersibilité de ses navires. Malheureusement, un doute s’était insinué dans l’opinion, qui ne mettait pas en cause leur qualité intrinsèque mais une malchance tenace. Quelque chose comme le mauvais œil s’était-il abattu sur eux ? Depuis l’accident de Southampton, cette question tracassait Joseph Ismay. D’autant plus que l’on venait de poser les premiers éléments de la quille du Gigantic 88 sur la cale numéro 2, pour lequel on avait prévu de porter la longueur à 305 mètres et la jauge à 50 000 tonneaux.
Dans les métiers de la mer, ce genre d’avertissement ne laisse jamais indifférent. C’est probablement à cette époque que naquirent les premiers soupçons à l’encontre de la White Star Line, accusée de n’être que l’ambassadeur du grand capital et de sous-évaluer les risques courus par ses passagers. Cette lecture marxiste du transport maritime était injuste et ne répondait pas à la réalité. Mais elle s’ancrait progressivement dans les esprits. Certains voient même dans cette manifestation du destin, cette année-là, une des raisons qui conduisirent Ismay à notifier sa démission à la tête de l’International Mercantile Marine Company, avec effet au 31 décembre 1912. Demande restée sans réponse…
4
LE TITANIC SIFFLERA TROIS FOIS
Le 4 janvier 1912, l’ Olympic avait repris ses traversées. Ce jour-là, tandis qu’il était au large de toute côte, une terrible tempête croisa sa route atlantique. Mais elle ne mit pas le navire en péril. Chahuté par les éléments déchaînés, il tint parfaitement la mer, assurant à ses passagers la sécurité promise par son armateur.
À Belfast, pendant ce temps, les ouvriers du chantier naval mettaient les bouchées doubles afin que le Titanic fût au rendez-vous de son premier voyage. À la fin du mois de janvier,
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