Il était une fois le Titanic

alimentation du navire en chauffage et en électricité.
    Le 10 avril, le Titanic était prêt pour le grand voyage.
    À bord, le personnel était au complet. Tous les officiers de pont avaient embarqué à Belfast en même temps que le commandant pour les essais en mer, de même que les officiers mécaniciens. C’était également le cas de quelques membres de l’équipage et des chauffeurs. Les deux radiotélégraphistes de la compagnie privée Marconi, Jack Phillips et Harold Bride, avaient également pris place à bord ce jour-là, afin de régler leurs appareils de transmission.
    Mais c’est à Southampton que l’on avait recruté la plus grande partie du personnel et dans tous les domaines de compétence, de la cale aux cabines. Il faut préciser toutefois que certains d’entre eux n’étaient pas des employés permanents de la White Star Line, mais sous contrat pour le temps d’une rotation, à l’instar des opérateurs radio cédés par Marconi. Considérés comme de simples auxiliaires par l’armateur, ils étaient souvent mal vus par les titulaires permanents. Parmi les employés les moins respectés se trouvaient les serveurs du restaurant À la carte, de nationalité française ou italienne. Recrutés dans deux établissements londoniens, ils n’en devaient pas moins signer le rôle d’équipage. Tel n’était pas le cas des huit musiciens vacataires de l’orchestre, qui embarquèrent en qualité de passagers de deuxième classe.
    Le Titanic était affecté au service postal, la raison pour laquelle il portait les initiales « R.M.S. » signifiant « Royal
Mail Steamer 105  ». De fait, cinq fonctionnaires lui étaient affectés, trois Américains et deux Anglais. Une partie du courrier pour les États-Unis, qui comptera près de trois mille quatre cents sacs de lettres et huit cents colis, fut chargée à Southampton, le reste aux escales de Cherbourg et de Queenstown.
    Matelots, mécaniciens, graisseurs, chauffeurs et soutiers, garçons de cuisine ou de cabine, stewards, hôtesses et femmes de chambre s’étaient présentés par milliers le jour de l’embauche. Près de neuf cents d’entre eux avaient signé leur engagement, parmi lesquels, selon le témoignage du colonel Gracie 106 , se trouvait un homme qui proposa de payer son passage en travaillant gratuitement à bord.
    En ce qui concerne les officiers, la nomination imprévue de Henry Wilde au poste de second capitaine bouleversa l’ordre établi depuis Belfast. La veille du départ, à la demande expresse du commandant, la compagnie le lui avait envoyé pour l’assister pendant le voyage inaugural, en lieu et place de William Murdoch, rétrogradé au rang de premier officier. Smith et Wilde, qui se connaissaient depuis longtemps, avaient toujours conduit l’ Olympic à bon port depuis sa mise en service, en dépit de quelques incidents de parcours dont la White Star Line ne les avait pas rendus responsables. Leur complicité, leurs automatismes et leur sens partagé des responsabilités rassuraient l’armateur, qui avait répondu favorablement à cette initiative – au grand dam de Wilde, toutefois, qui eût préféré un commandement sur une plus petite unité. Mais il avait gardé pour ses proches ses réticences larvées envers le Titanic . Pour l’armement, sa présence aux côtés du capitaine Smith apparaissait comme une valeur ajoutée que la clientèle apprécierait.

    Cette nomination eut pour conséquence de bouleverser l’organigramme du commandement. Les deux premiers officiers perdirent ainsi leur rang, tandis que le deuxième lieutenant David Blair était débarqué 107 . Il nous est impossible de l’attester.
    L’expérience du commandant était sans égale dans la compagnie, qui en répondait totalement. Entré à l’âge de treize ans dans la marine à voile, Edward John Smith avait rejoint la White Star Line au temps de Thomas Ismay. Il y fit dès lors toute sa carrière et commanda dix-sept des plus prestigieuses unités de la compagnie, notamment pour leurs voyages inauguraux. Après le Majestic en 1895, le Germanic en 1899, le Baltic en 1906, l’ Adriatic en 1908, c’est encore lui qui commanda l’ Olympic lors de sa mise en service. Mobilisé pour transporter les troupes britanniques en Afrique du Sud pendant la guerre des Boers, de 1899 à 1902, il fut décoré de la Transport Medal. En tant que capitaine honoraire dans la Royal Navy, « E. J. », comme on l’appelait familièrement,