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Il était une fois le Titanic

Il était une fois le Titanic

Titel: Il était une fois le Titanic Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: G.A. Jaeger
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ses cheminées étaient posées. C’était le signe de son prochain achèvement car, même à sec sur ses plots, il avait déjà l’allure d’un navire en partance. Une fourmilière d’ouvriers et d’artisans l’envahissait chaque matin, se croisant jusqu’au soir dans un labyrinthe de coursives.
    Il restait encore à disposer les embarcations de sauvetage sur le pont supérieur : seize chaloupes en bois et quatre radeaux pliables. Or ce choix n’avait fait l’unanimité ni au sein du chantier, ni parmi les dirigeants de la compagnie.
    Le syndrome du naufrage
    En 1894, le ministère britannique du Commerce avait imposé qu’au-dessus de 10 000 tonneaux de jauge un bateau devait emporter un minimum de seize embarcations. Ce qui
était parfaitement suffisant, puisque, à cette époque, les navires acheminaient plus de fret que de passagers. Cependant la tendance s’était rapidement inversée, sans que l’administration modifiât son règlement. Bien des voix s’étaient élevées pour dénoncer cette loi obsolète, mais à chaque fois l’inertie législative et le poids de la tradition l’avaient emporté sur la raison.
    Walter J. Horwell, alors sous-secrétaire au Board of Trade, avait été l’un des artisans de cet immobilisme, au motif que les progrès de l’ingénierie palliaient le risque d’accidents. Au cours des dix premières années du XX e  siècle, le transport maritime ne fit effectivement que neuf victimes sur neuf millions de passagers transportés, contre soixante-treize durant la décennie précédente. De plus, on estimait généralement que les canots de sauvetage n’étaient destinés qu’à transborder les passagers d’un navire en détresse vers celui qui se serait porté à son secours, et qu’il ne servait donc à rien de débarquer tous les passagers à la fois. En dépit des voix discordantes, on maintint le statu quo en invoquant le slogan des constructeurs, qui minimisaient la possibilité d’un naufrage de leurs nouveaux paquebots. Mais les autorités compétentes confondaient les réalités de l’océan et la publicité des sociétés d’armement. L’insubmersibilité promise de l’ Olympic et du Titanic plaidait en faveur de cette thèse.
    Quand, le 1 er novembre 1911, Horwell fut remplacé par le capitaine de première classe Alfred Young, une commission fut toutefois nommée dans le but de réévaluer la fameuse barre des 10 000 tonneaux. Le 18 février suivant, le rapport concluait à la nécessité d’élever cette échelle par paliers de 5 000 tonneaux jusqu’à 50 000, qui était le tonnage prévu du Britannic . Mais ses recommandations restèrent sans suite.
    À Belfast, l’ingénieur en chef Alexander Carlisle avait longuement insisté pour que l’on augmentât le nombre d’embarcations sur les géants de la classe « Olympic ». Avant de céder sa place à Thomas Andrews, il en avait
prévu soixante-quatorze réparties sous seize paires de bossoirs 89 . Or lui non plus ne fut pas écouté, preuve que les habitudes se substituent aisément à la réflexion. Et la confiance au doute.
    Ce furent donc seize embarcations réglementaires d’une capacité totale de neuf cent soixante-deux personnes qui furent disposées sur le pont, auxquelles on ajouta quatre radeaux pliants totalisant deux cent seize places. Les mille cent soixante-dix-huit passagers et membres d’équipage qui pouvaient théoriquement y embarquer ne représentaient donc que le tiers de la capacité totale prévue sur chacun des trois paquebots. Et Walter Lord de conclure que toutes les compagnies maritimes pratiquaient la même politique de l’autruche, arguant du fait que « si l’on avait attribué suffisamment de canots de sauvetage à deux ou trois paquebots, les autres vapeurs sillonnant l’Atlantique Nord y auraient vu la preuve d’une concurrence déloyale 90  » en matière de sécurité… Ce qui tend à démontrer que, dans leur for intérieur, les armateurs ne niaient pas la nécessité objective de réformer la loi.
    En ce printemps 1912, l’auteur anglais Mayn Clew Garnett 91 terminait la rédaction d’une nouvelle maritime intitulée The White Ghost of Disaster 92 , que The Popular Magazine fit paraître le 1 er mai. L’histoire raconte le naufrage d’un paquebot dans les eaux froides de l’Atlantique Nord, après une collision avec un iceberg. Dans ce récit, les passagers meurent noyés faute de canots de sauvetage !

    Cette tragédie, considérée

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