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Il suffit d'un amour

Il suffit d'un amour

Titel: Il suffit d'un amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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d'ébriété avancée et Jacquette l'avait menacée de la renvoyer chez elle, sans autre explication, à la prochaine récidive. Il y avait eu des pleurs, des supplications, des serments sur la statue de Notre-Dame. Marion avait juré ses grands dieux de ne jamais recommencer. Sans doute, l'agitation insolite de Paris était-elle cause de cette rechute inattendue.
    Tout cela, Marion en prit conscience à travers les vapeurs du vin et n'insista pas. Traînant les pieds, maugréant des paroles inintelligibles, elle se dirigea vers l'escalier. Les marches grincèrent sous son poids.
    Bientôt Catherine entendit claquer sur elle la porte du galetas et poussa un soupir de soulagement. L'absence de Loyse se prolongeait et la jeune fille hésita un moment sur ce qu'elle devait faire. Elle n'avait ni faim ni sommeil. La seule chose dont elle eût envie était de retourner auprès de Michel parce qu'elle n'avait encore jamais connu de moment plus merveilleux que celui où, assis tous deux dans la poussière, elle l'avait écouté se raconter. Le baiser si doux qu'il lui avait donné la bouleversait encore. Obscurément, Catherine sentait que des moments comme celui-là étaient rares et elle était assez raisonnable pour comprendre que dans quelques heures, Michel s'enfuirait, rejoindrait son rivage à lui. Le fugitif traqué redeviendrait alors un seigneur, c'est-à-dire un être inaccessible pour la fille d'un artisan. Le gentil compagnon d'un instant ne serait plus qu'un étranger lointain. Il se souviendrait à peine, dans quelque temps, de la gamine qu'il avait éblouie. Michel lui appartenait encore, mais bientôt, il lui échapperait...
    Triste, soudain, Catherine alla jusqu'à la porte de la rue dont elle entrouvrit le volet supérieur. La pluie avait cessé, laissant de grandes mares luisantes. Les chéneaux déversaient le trop-plein des gouttières mais le pont, désert tout à l'heure, avait retrouvé une agitation insolite.
    La chaîne avait été retirée. Les deux gardiens étaient partis et des groupes nombreux, dont la plupart zigzaguaient dangereusement, traversaient, se tenant par le bras et chantant à tue-tête. Apparemment il n'y avait pas que Marion qui eût fêté la victoire populaire. Du cabaret des Trois Maillets, au bout du pont, du côté du Palais, des cris et des chants se faisaient entendre. Le couvre-feu de Notre-Dame, qui n'avait pas encore sonné et ne sonnerait sans doute pas, ne ferait sûrement rentrer personne. On festoierait toute la nuit.
    Soucieuse, Catherine se demanda ce que pouvait faire Landry, s'il avait pensé à munir Michel d'une corde. Chez les Pigasse on voyait, derrière les carreaux de papier huilé, s'agiter les lumières. Apercevant une bande de soldats ivres qui arrivaient, accrochés au bras les uns des autres et tenant toute la largeur du pont en chantant :
    « Duc de Bourgogne Dieu te tienne en joie
    !... »
    Catherine referma le battant, rentra dans l'atelier puis, passant près de la trappe, hésita un instant. Il fallait tout de même être sûre que Landry avait bien apporté une corde. Soulevant la trappe, elle se pencha, appelant doucement :
    — Messire ! C'est moi, Catherine ! Je voudrais savoir si Landry a pensé à la corde ?
    La voix de Michel lui parvint, étouffée : « Soyez tranquille ! Je l'ai !
    De toute façon, il y en avait déjà une ici. Landry m'a dit qu'il reviendrait entre minuit et une heure. Il sifflera trois fois lorsqu'il sera sous le pont avec la barque. Tout va bien »

    — Alors, tâchez de dormir un peu ! Je vais me coucher. Je redescendrai quand j'entendrai siffler Landry. Ma chambre donne sur la rivière.
    Un craquement léger à l'étage supérieur lui fit refermer la trappe hâtivement, le cœur battant. Au même instant, la grosse horloge du Palais sonna dix coups. Encore au moins deux heures à attendre !
    Retournant à la cuisine, Catherine couvrit le feu d'une bonne couche de cendres et, laissant seulement une chandelle allumée pour le retour de Loyse, se disposa à monter. Loyse rentra comme elle mettait le pied sur la première marche. La jeune fille avait la mine sombre : «
    La mère de Landry ne va pas bien du tout ! » dit- elle. « Elle s'épuise en vains efforts. J'aurais voulu rester mais Maman m'a renvoyée à cause de toi. Tu allais te coucher ? »
    — Oui. Mais si tu veux manger...
    — Non. Je n'ai vraiment pas faim. Allons dormir ! Tu dois être rompue de fatigue après ta tournée des ruisseaux...
    Les deux

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