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Il suffit d'un amour

Il suffit d'un amour

Titel: Il suffit d'un amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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sœurs regagnèrent leur petite chambre et se déshabillèrent en silence mais, tandis que Loyse, après un « bonsoir » déjà ensommeillé, s'endormait dès que sa tête eut touché l'oreiller Catherine se coucha avec la ferme intention de ne pas clore les yeux.
    C'était terriblement difficile. Une fois couchée, la fatigue accumulée durant cette mémorable journée se lit sentir. Les draps épais, fleurant la lessive fraîche et le laurier, étaient bons à son corps douloureux et le sommeil, impérieux chez les enfants, appesantissait ses paupières.
    Pourtant, il fallait tenir à tout prix, afin d'aider Landry, le cas échéant.
    Pour tenter d'éloigner le sommeil, elle commença à se raconter des histoires, puis essaya de se souvenir bien clairement de tout ce que Michel lui avait dit, sans rien oublier. Il y avait aussi ce baiser qu'il lui avait donné et dont elle frissonnait encore. La respiration régulière de Loyse, couchée auprès d'elle, agissait sur elle comme un anesthésique.
    Elle allait succomber quand un bruit insolite la fit se dresser sur son séant, tout à fait éveillée.
    À l'étage supérieur, une porte grinçait faiblement, comme si quelqu'un l'ouvrait avec précautions. Des pas mous glissèrent prudemment, atteignirent l'escalier dont la première marche craqua. Le nez levé vers les solives invisibles du plafond, l'oreille au guet, Catherine suivait l'avance de la personne qui marchait et qui ne pouvait être que Marion. Mais où donc allait- elle à cette heure ?
    Le pas maintenant se rapprochait. Il s'arrêta derrière la porte de la chambre sous laquelle filtra la lueur d'une chandelle. Marion, sans doute, écoutait si les filles dormaient bien et Catherine prit soin de ne pas faire craquer le lit en remuant. Au bout d'un moment on recommença à descendre, toujours aussi précautionneusement. Dans le noir, Catherine ne put s'empêcher de sourire. Après ses nombreuses libations, la grosse Marion devait avoir le plus grand besoin d'une pinte d'eau fraîche pour chasser les vapeurs du vin, à moins qu'elle n'eût faim. Dans une minute elle remonterait après avoir pris à la cuisine ce qu'elle désirait.
    Rassurée, la jeune fille allait se recoucher quand un nouveau bruit la jeta brusquement hors de son lit, le cœur battant à se rompre. Il n'y avait pas à se tromper sur ce craquement-là. C'était celui de la trappe de l'atelier. Marion n'allait pas chercher de l'eau. Elle allait chercher un supplément de vin dans la resserre où un tonneau était continuellement en perce.
    Avec des gestes que la peur rendait maladroits, la petite enfila sa chemise, se glissa dans l'escalier après s'être assurée d'un coup d'œil que Loyse dormait toujours. Puis sans plus prendre de précautions, elle dévala les marches raides, faillit s'étaler et se retrouva en bas sans savoir comment elle ne s'était pas rompu le cou. La trappe de la cave était grande ouverte. Une lumière s'en échappait. A ce moment, un véritable hurlement vrilla le silence de la maison.
    — Au secours !... à moi !... à l'aide !... braillait Marion dont la voix criarde sonna aux oreilles de Catherine comme la trompette du jugement dernier. Au secours !... À l'Armagnac !...
    Plus morte que vive, l'adolescente se jeta à bas de l'échelle, se retrouva dans la cave et vit que la grosse Marion, en chemise, se cramponnait de toutes ses forces au pourpoint de Michel en hurlant comme une folle. Celui-ci, blême, les dents serrées, faisait d'inutiles efforts pour lui échapper. L'ivresse et la peur décuplaient les forces de la grosse femme. Comme une furie, Catherine bondit sur elle et, frappant des pieds et des poings, parvint à dégager un peu Michel.

    — Tais-toi, vieille folle ! cria-t-elle exaspérée. Mais tais-toi donc...
    Faites-la taire, messire, tapez dessus ; elle va ameuter tout le quartier...
    Marion n'en cria que de plus belle. D'une secousse Michel était parvenu à se libérer et Catherine faisait de son mieux pour maintenir Marion. Du regard, elle désigna la petite fenêtre au jeune homme.
    — La lucarne, messire !... Sautez, sautez vite ! c'est votre seule chance de salut. Vous savez nager ?
    — Oui-
    Déjà il glissait son corps mince dans l'étroite ouverture quand Marion qui, sous l'influence du vin et de la peur ne se possédait plus, mordit cruellement Catherine au bras pour lui faire lâcher prise et se rua sur lui. Elle le saisit par une jambe sans cesser de hurler. On entendait,

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