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Imperium

Imperium

Titel: Imperium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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ce fut
la seule ville de l’île à refuser à Cicéron sa coopération. Nous mîmes le cap
sur le phare et, tandis que nous approchions, nous nous aperçûmes que ce que
nous avions pris pour un grand mât de navire à l’entrée du port était en fait
une croix orientée vers le continent.
    — Voilà qui est nouveau, commenta Cicéron, qui fronça
les sourcils tout en essuyant les gouttes de ses yeux. Ce n’était nullement un
lieu d’exécution à notre époque.
    Nous n’avions d’autre option que de passer devant, et ce
spectacle projeta comme une ombre sur notre moral déjà bien entamé par la
pluie.
    Malgré l’hostilité générale des habitants de Messana envers
le représentant de l’accusation, deux citoyens de la ville – Basiliscus
et Percennius – avaient courageusement accepté de lui offrir l’hospitalité
et attendaient notre arrivée sur le port. À peine eûmes-nous mis pied à terre
que Cicéron les interrogea à propos de la croix, mais ils le supplièrent d’attendre
de nous avoir emmenés loin du port pour entendre leurs réponses. Ce ne fut que
lorsque nous nous retrouvâmes à l’abri, dans la propriété de Basiliscus, qu’ils
acceptèrent de nous raconter toute l’histoire. Verres avait passé les derniers
jours de son mandat à Messana, où il avait supervisé le chargement de son butin
à bord du navire que la ville reconnaissante avait fait construire spécialement
pour lui. Il y avait eu une fête donnée en son honneur environ un mois plus tôt
et, presque comme si cela faisait partie des divertissements, on avait tiré un
citoyen romain de la prison, on l’avait entièrement déshabillé en plein forum,
puis publiquement fouetté, torturé et enfin crucifié.
    — Un citoyen romain ? répéta Cicéron, incrédule,
tout en me faisant signe de commencer à prendre des notes. Mais il est illégal
d’exécuter un citoyen romain sans un procès en bonne et due forme. Tu es sûr
que c’en était un ?
    — Il criait qu’il s’appelait Publius Gavius, qu’il
était un marchand venu d’Espagne et qu’il avait fait son service militaire dans
les légions. Du début à la fin, à chaque coup de fouet, il hurlait : « Je
suis un citoyen romain ! »
    — « Je suis un citoyen romain », répéta
Cicéron, en savourant la phrase. « Je suis un citoyen romain »… Quel
crime était-il censé avoir commis ?
    — De l’espionnage, répondit notre hôte. Il était censé
embarquer sur un bateau pour l’Italie. Mais il a commis l’erreur de dire à tous
ceux qu’il croisait qu’il s’était évadé des Carrières [1] de Syracuse et allait se rendre directement à Rome pour dénoncer les crimes de
Verres. Les anciens de Messana l’ont fait arrêter et l’ont placé en détention
jusqu’à l’arrivée de Verres. Et Verres a alors ordonné qu’il subisse le fouet
et la torture par les fers rouges avant d’être exécuté sur une croix orientée
droit sur Regium afin qu’il puisse contempler le continent durant toute son
agonie. Tu imagines – ne se trouver qu’à cinq milles du salut !
Les partisans de Verres ont laissé la croix en place, en guise d’avertissement
à tous ceux qui seraient tentés de parler trop librement.
    — Il y a eu des témoins de cette crucifixion ?
    — Bien sûr. Des centaines.
    — Des citoyens romains ?
    — Oui.
    — Tu pourrais en nommer certains ? Il hésita.
    — Gaius Numitorius, chevalier romain de Putéoles, les
frères Cottius de Tauromenium. Lucceius… Il est de Regium. Il doit y en avoir d’autres.
    Je notai leurs noms. Ensuite, pendant que Cicéron prenait un
bain, nous nous réunîmes autour de la baignoire pour discuter de ce que nous
venions d’apprendre.
    — Peut-être que ce Gavius était vraiment un espion,
avança Lucius.
    — Je serais plus enclin à le croire si Verres n’avait
pas proféré la même accusation contre Sthenius, qui n’était pas plus espion que
toi ou moi, répliqua Cicéron. Non, c’est le mode opératoire favori du monstre :
il prépare une accusation qu’il clame partout, puis il se sert de sa position
de juge suprême dans la province pour arriver à un verdict et prononcer une
sentence. La question est : pourquoi avoir choisi Gavius ?
    Personne n’avait de réponse, et nous n’avions pas non plus
le temps de nous attarder à Messana pour essayer d’en trouver une. Nous dûmes
partir tôt le lendemain matin pour notre premier rendez-vous officiel

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