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Imperium

Imperium

Titel: Imperium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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avaient écume
la région comme une armée de pillards, réquisitionnant récoltes et troupeaux
pour une fraction de leur valeur réelle et augmentant les fermages bien au-delà
de ce que la plupart pouvaient payer. Un fermier qui avait osé se plaindre,
Nymphodorus de Centuripae, avait été arrêté par Apronius, le percepteur de
Verres chargé de collecter la dîme, et pendu à un olivier sur la place du
marché d’Etna. De tels récits mettaient Cicéron en rage et le poussaient à
fournir de nouveaux efforts. Je repense encore avec tendresse à ce monsieur des
plus urbains, la toge remontée aux genoux, ses beaux souliers rouges à la main,
son mandat dans l’autre, foulant avec délicatesse les champs boueux sous une
pluie battante pour prendre le témoignage d’un fermier à sa charrue. Lorsque
nous arrivâmes enfin à Syracuse, après plus de trente jours d’un voyage ardu à
travers la province, nous avions réuni les dépositions de près de deux cents
témoins.
    Syracuse est de loin la plus grande et la plus belle cité de
l’île. Il s’agit en fait de quatre villes fondues en une seule. Trois d’entre
elles – Achradine, Tycha et Neapolis – se sont étendues le
long du port et, au centre de cette grande baie naturelle, se dresse la
quatrième agglomération, connue sous le simple nom d’îlot. Elle servait
traditionnellement de siège royal, et était reliée aux trois autres par un
pont. C’est dans cette cité fortifiée à l’intérieur de la cité, interdite la
nuit aux Siciliens, que loge le gouverneur romain, dans un palais proche des
grands temples de Diane et de Minerve. La rumeur voulait que Syracuse soit,
juste derrière Messana, la ville la plus loyale envers Verres – pour
lequel son sénat venait même de voter un panégyrique –, aussi avions-nous
craint une réception hostile. En fait, ce fut tout le contraire. Sa réputation
d’homme honnête et diligent avait précédé l’arrivée de Cicéron, et nous
franchîmes la porte Agrigentine escortés par une foule de citoyens
enthousiastes. (L’une des raisons de la popularité de Cicéron était aussi que,
lorsqu’il était jeune magistrat, il avait retrouvé dans le cimetière municipal
envahi par la végétation la tombe oubliée, vieille de cent trente ans, du
mathématicien Archimède, le plus grand homme de l’histoire de Syracuse. Comme d’habitude,
il avait lu quelque part que figuraient sur cette tombe un cylindre et une
sphère, aussi, dès qu’il avait repéré le monument, avait-il payé quelqu’un pour
dégager herbes et ronces. Il avait ensuite passé de nombreuses heures près de
cette tombe, à méditer sur l’aspect éphémère de la gloire humaine. Sa
générosité et son respect n’avaient pas été oubliés par la population locale.)
    Mais ne nous égarons pas. Nous fûmes logés chez un chevalier
romain, Lucius Flavius, un vieil ami de Cicéron, qui avait plein d’exemples de
la corruption et de la cruauté de Verres à ajouter à notre collection déjà
pléthorique. Il y avait l’histoire de ce capitaine des pirates, Heracleo, qui
avait pu entrer par la mer dans le port de Syracuse à la tête de quatre petites
galères pour piller les entrepôts et était reparti sans rencontrer la moindre
résistance. Capturé quelques semaines plus tard à Mégare, plus au nord sur la
côte, ni lui ni ses hommes n’avaient défilé en tant que prisonniers, et la
rumeur avait couru que Verres l’avait échangé contre une forte rançon. Il y
avait l’horrible affaire de ce banquier romain d’Espagne, Lucius Herennius :
après l’avoir traîné dans le forum de Syracuse un beau matin, il avait été
sommairement accusé d’être un espion, puis, sur l’ordre de Verres, décapité
sans autre forme de procès – malgré les supplications de ses amis et
associés, qui s’étaient précipités sur place dès qu’ils avaient appris ce qui
se passait. La similitude entre le cas d’Herennius et celui de Gavius à Messana
était frappante : tous deux romains, tous deux arrivant d’Espagne, tous
deux travaillant dans le commerce, tous deux accusés d’espionnage et tous deux
exécutés sans avoir été entendus ni avoir eu droit à un vrai procès.
    Ce soir-là, après dîner, Cicéron reçut un message de Rome.
Dès qu’il eut lu la lettre, il s’excusa et nous prit à part, Lucius, le jeune
Frugi et moi-même. La dépêche venait de son frère, Quintus, et elle apportait
des nouvelles

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