Inaccessible Étoile
tôt, pour le retapisser comme on dit.
Que de souvenirs de l'impasse du lycée à Vanves où il se planqua une semaine, en mai 1978 après son évasion de la prison de la santé, dans la chambre que je louais dans un petit pavillon style banlieue. Une semaine au terme de laquelle, repérés par les flics, nous avons dû disparaître dans la nature, moi abandonnant toutes mes affaires personnelles et lui rejoignant son complice et ami, François B.
Vu l'état d'esprit où je suis, je ne serais pas contre de faire de nouveau un bout de chemin et encore quelques affaires avec lui, mais il m'en dissuade vite. Il me rappelle la fois où lors d'un de ses braquages, après son évasion, et où je devais faire le guet, je me suis pris une balle au niveau du sein droit. Sans lui je ne serais plus là, mais heureusement il connaissait un médecin discret et cette fois-là je m'en suis plutôt bien tiré.
Il m'explique que ce n'est pas une vie, surtout avec lui, l'ennemi public n°1. Ceux qui sont avec lui sont des hommes qui n'ont plus grand-chose à perdre, ce qui n'est pas mon cas, moi qui ai plein d'avenir devant moi, même s'il ne doit pas être toujours brillant.
Il est vrai que le milieu, tel que beaucoup se l'imaginent, n'a rien à voir avec le côté aventurier, le côté romanesque qu'on s'en fait au niveau populaire.
Jacques n'est pas le héros, le Robin des Bois qu'on décrit, image qui le navre bien plus qu'elle ne le flatte. Quand il entend parfois des gens parler de Jacques Mesrine, surtout par des jeunes ou des ouvriers, sans savoir qu'il est dans les parages, il a un sourire, mais un sourire amer.
Le milieu, tel que Jacques l'a connu est un milieu qui suinte la violence, la haine et la mort souvent et ça n'a rien de romantique, bien au contraire.
Il faut voir Robin des bois se planquer dans un studio ou une petite maison souvent insalubre, ayant toujours l'oeil aux aguets de tout, du moindre bruit, du moindre événement un peu insolite dans le quartier, du moindre occupant dans les voitures du voisinage.
On l’imagine plein aux as ? Il a à peine le minimum pour survivre ! Une cavale coûte horriblement cher et le seul moyen de se procurer de l'argent c'est rebraquer. C'est un cercle vicieux.
Il ne dort jamais paisiblement et jamais longtemps. Il doit bouger sans cesse, ne peut jamais rester longtemps au même endroit pour ne pas être repéré, surtout que beaucoup de gens le traquent, pas seulement la police, mais aussi les journalistes en mal de scoop, le bon bourgeois à la morale bien aiguisée, le quidam en mal de sensations. Toute personne croisée dans la rue ou ailleurs peut être un piège !
Entrer dans un magasin pour faire des courses, dans un bar boire un café, toute sortie de la planque est une aventure à haut risque !
Sans parler des complices, des pseudo amis qui peuvent aussi le balancer. Il ne peut faire confiance à personne, ou quasiment.
Les amis de confiance, il les compte sur les doigts d'une main. Il fera d'ailleurs sienne cette prière : Seigneur protège-moi de mes amis, mes ennemis je m'en charge.
Et l'amour ? Quel romantisme peut-il exister quand on mène une telle vie quotidienne, même si on la partage avec une fidèle Sylvie JJ ?
Elle n'a pas choisi la facilité, mais l'amour, ça ne se discute pas.
Jacques connaît le début, il connaît aussi la fin.
Il sait lucidement comment les choses se termineront, et ça n'a rien de romantique, pas plus romantique qu'avec ce journaliste de Minute qui l'avait diffamé en racontant que Mesrine n'était pas une personne « réglo » avec ses associés.
Jacques le piège, le juge et le condamne.
Il le blesse grièvement par balle et le laisse pour mort, en septembre 1979.
Jacques me déconseille donc de renouer avec le milieu si je ne veux pas finir comme lui s'attend à finir. Il ne sait pas encore qu'un mois plus tard il sera exécuté comme un chien par la brigade de recherche et d'intervention du commissaire Broussard, à la porte de Clignancourt, juste en face du tabac où je travaille ce jour-là.
C'est aussi à la même époque que je rencontre Isabelle.
Isabelle est la caissière du tabac.
C'est une jolie brune de dix-neuf ans aux longs cheveux noirs. De regards en sourires, de frôlements en fous-rires, il ne nous faut pas longtemps pour craquer l'un pour l'autre.
Elle est la fille d'un patron d’hôtel quatre étoiles qui possède plusieurs grandes brasseries.
Le père d’Isabelle a une désastreuse réaction en
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