Inaccessible Étoile

apprenant qu'elle sort avec moi, sans me connaître, il espère plutôt la voir mariée à un directeur d’hôtel, voire un propriétaire de brasserie, en tout cas quelqu'un de nanti. Il est vrai qu'il est auvergnat, ce qui explique beaucoup de choses au niveau matérialisme.
Il faut dire aussi qu'Isabelle habite encore chez ses parents, c’est une chose, mais de plus son père nous surprend un jour dans le même lit au domicile familial. Ne réagissant pas le jour même, il vint faire un scandale au café, que nous dûmes quitter quelques mois plus tard.
Isabelle et moi prenons alors un appartement à Paris, rue Notre-Dame de Recouvrance. Près du cinéma Le grand Rex.
Du travail, nous en retrouvons facilement, mais séparément.
Avec Isabelle, nous menons une vraie vie de couple assez stable.
Nous sommes assez complices et partageons beaucoup de choses dont un cocker spaniel que nous avons appelé Boule, rapport à la BD Boule & Bill. Nous n'avons pas capté que Boule, c'est le petit garçon, Bill étant le chien.
Avec Isabelle, c'est le côté culturel qui nous rapproche d'abord, le côté cérébral et nous passons beaucoup de nos soirées au théâtre, ou, quand nous ne travaillons pas, dans les bibliothèques, dans les musées.
Comme moi, Isabelle a cette soif d'apprendre, de connaître, de comprendre. Nous voyageons plutôt souvent, rencontrons beaucoup de gens dans des conférences, notamment avec Mamy.
Le travail nous prend quand même la plus grande partie de nos journées.
Je ne vois pas bien quels défauts peut avoir Isabelle. Intellectuellement nous sommes complémentaires, physiquement c'est une entente parfaite, nous adorons la sensualité et l'érotisme raffiné, la fantaisie et la spontanéité.
Nous n'avons pas de tabous ni l'un ni l'autre.
Tout devrait donc aller pour le mieux, mais Isabelle à un talon d'Achille, son ambition professionnelle.
Son travail qui passe avant tout, sa carrière professionnelle qui passe avant moi-même souvent. J’aimerais l’épouser, elle ne veut pas, pour elle c'est trop tôt (?), avoir un enfant, ce n'est pas possible avec son travail, sa carrière professionnelle passe avant.
Pour le reste, elle est douce et fidèle, rien à lui reprocher, hormis son ambition.
Les choses dégénérèrent au bout d'un an et demi, lorsque épuisé par le travail, j’en deviens dépressif.
Les années de travail de quatorze à dix-huit heures par jour, jamais de vacances, font que mon capital énergétique en a pris un coup et moralement devait arriver un moment où ça allait craquer.
Mon médecin me trouve anémié et dépressif, les nerfs ont été mis à rude épreuve ces dernières années, j'en paye le prix.
Je n'ai plus la patience avec les clients, et souvent, moi si gentil si flegmatique, par le passé, je les envoie promener.
Isabelle ne comprend pas et a tendance à me prendre pour une machine, alors je m'efforce de tenir le coup à coup de vitamines, de dopants divers, mais ça ne suffit plus, je n'arrive plus à suivre et le coeur souvent s'emballe.
Mamy me conduit chez son médecin de famille qui me conseille de me calmer sur le travail, ou de changer carrément de métier.
Je trouve donc rapidement un autre travail grâce à Mamy et à ses relations, dans le secrétariat pour une agence intérimaire, dans un cabinet de psychanalyse, puis dans une grande société d'assurance de Paris.
Je gagne à peu près autant que dans les bars, mais pour Isabelle ça fait un drame, elle qui rêve d'avoir son propre hôtel, sa brasserie ou même de prendre la succession de son paternel, me voir déserter l’hôtellerie n'était pas du tout de son goût. Elle ne comprend pas ce qu'elle appelle mes états d’âme. Pourtant, mon nouveau travail me permet de retrouver plus de calme et de sérénité, des horaires de bureau, d'être rentré chez moi à 17 h, avec une pose le midi pour aller manger, soit à la cantine, soit dans la brasserie du coin.
Je réapprends à prendre mon temps, le temps de flâner, quelle différence ! Isabelle prend régulièrement ses vacances chez sa grand-mère, à Saint-Gaudens, près de Toulouse.
Une seule fois je vais avec elle, mais les fois suivantes elle y va seule, vu que je travaille souvent en intérim l'été.
En dehors des vacances chez sa grand-mère, avec Isabelle il n'y a que le travail qui compte et les discutions sont devenues limitées, elle a du mal à digérer ma désertion de l’hôtellerie.
Nos horaires ne coïncident plus beaucoup