Indomptable
chaudes que du métal froid.
Le rouge monta aux joues de Meg alors qu’elle prit une
gorgée d’eau, se pencha au-dessus de Dominic et lui offrit à
boire de ses lèvres. Il ne fallut pas faire d’efforts pour gagner
son attention. Dès que sa bouche frôla la sienne, il se tourna
avidement vers elle. Ce ne fut qu’une fois qu’il eut bu deux
bols qu’il se tint immobile et reprit ses divagations
verbales.
Cette fois, ses mots étaient prononcés en anglais. Meg se
rendit compte qu’elle aurait préféré que ce ne soit pas le cas.
— … interminable massacre ensanglanté. James, mort.
John le Petit, mort. Ivar le Barbare, mort. Stewart le Rouge…
La voix de Dominic ressemblait à celle d’un moine psal-
modiant une messe en langue étrangère. Pendant que les
noms déferlaient les uns après les autres sur les lèvres de
son époux, Meg était penchée au-dessus de lui et lui cares-
sait la tête comme pour soulager un enfant fiévreux.
Pourtant, ce n’était pas la fièvre qui transportait
Dominic, et il n’était pas non plus un enfant. Il était un
homme qui avait connu l’extrême violence des épées qui
tailladent et entaillent la peau, les dégâts de la lance et du
cheval de bataille qui foncent sur les hommes à pied, le
siège qui entraîne une lente dégénérescence et la maladie
jusqu’à ce que des enfants meurent de faim et que des
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ELIZABETH LOWELL
femmes se battent avec les chats pour attraper des rats aussi
maigres que des fantômes.
Dominic récita à maintes reprises la liste des personnes
affamées, des personnes mutilées et des morts jusqu’à ce
que Meg pense qu’elle allait crier si elle entendait un seul
nom supplémentaire.
— Il faut que règne la paix !
Meg pensa qu’il s’agissait de son propre cri jusqu’à ce
qu’elle se rende compte qu’il s’agissait de la voix de son
époux.
— M’entends-tu, Simon ? Il faut que règne la paix !
— Oui, répondit clairement Simon. Tu feras régner la
paix sur tes terres, Dominic. Je le sais avec la même certi-
tude que le soleil se lèvera à l’aube.
Quand Dominic cria à nouveau, Simon répondit de la
même manière, essayant de dépasser le délire causé par le
poison afin que son frère puisse se reposer.
La souffrance de Dominic, si bien camouflée lorsqu’il
était maître de lui, fit souffrir Meg par compassion et autre
chose encore, l’espoir persistant des Druides de la Vallée
qui était à la fois un droit de naissance et une malédiction.
« Peu importe ses motivations, il m’a touchée avec une
extrême douceur. Il a été mené par un besoin aussi grand
que le mien, pourtant il a plutôt courtisé que demandé.
» Il aurait pu tuer chaque Saxon dans le château, pour-
tant il a réfréné sa main.
» La paix, pas la guerre.
» Mon Dieu, si j’avais le pouvoir d’exaucer le plus grand
souhait de Dominic. »
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INDOMPTABLE
Cependant, Meg ne l’avait pas et elle le savait : le légen-
daire fils des Druides de la Vallée naîtra de l’amour et uni-
quement de l’amour. Elle pouvait ressentir la passion
courante d’une femme pour un homme, elle pouvait res-
sentir de la compassion pour les souffrances passées de son
époux, elle pouvait respecter son intelligence, sa discipline
et son ambition, elle pouvait avoir de la peine pour tout ce
qui aurait pu exister entre eux si elle n’avait pas pu lire en
lui aussi clairement et s’il avait pu voir davantage en elle ;
mais elle ne pouvait se forcer à aimer un homme qui ne l’aimait
pas en retour.
Ce serait trop demander de n’importe quelle femme.
C’était simplement au-delà de ses capacités… Tout comme
l’amour était au-delà des capacités de Dominic.
Meg porta la main de Dominic à ses lèvres et la garda à
cet endroit alors que les larmes qu’elle ne pouvait retenir
coulaient le long de ses joues jusque sur les doigts de
Dominic. Tous les espoirs de Dominic étaient vains, tout
comme ceux des Druides de la Vallée. Elle était comme
toutes les femmes Druides de la Vallée avant elle.
Maudite.
— Dominic a changé après avoir été le prisonnier du
sultan, dit Simon à voix basse. Il avait toujours été un soldat
intelligent, mais il est devenu à la fois brillant et complète-
ment impitoyable. Il planifiait chaque bataille avec grand
soin. Pas uniquement pour gagner, mais pour détruire aussi
peu que possible pendant les combats. Même si ce
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