Indomptable
soi de Dominic, une farouche domination sur lui-
même qui ne permettait aucune émotion, aucune douceur,
rien, si ce n’est les froids calculs du pouvoir et de la
descendance.
Au premier abord, Meg pensa que le sang-froid de
Dominic était aussi compact et glacial que l’hiver lui-
même. Ensuite, elle se rendit compte que, derrière la froide
retenue du guerrier, se cachait, profondément enfoui, l’écho
d’une souffrance péniblement contenue. Cette découverte
était aussi inattendue et poignante que d’entendre le chant
d’une sturnelle au milieu de la nuit.
« Dieu, qu’est-ce qu’a supporté cet homme pour l’obliger
à se refuser toute expression d’émotions humaines ? »
À la suite de cette pensée en vint une autre, une plus
troublante. Malgré tout, brûlait en Dominic un feu sauvage
de masculinité qui faisait écho à une partie de l’être de Meg
qu’elle ne soupçonnait pas.
Quelque chose en elle vibrait, se tendait, répondait.
Cela l’effrayait. Elle qui avait toujours avancé sans rien
craindre, pas même les bêtes les plus féroces de la forêt.
24
INDOMPTABLE
— Maî… commença William, interloqué par son
immobilité.
Meg lui coupa la parole avant qu’il ne puisse décliner
son identité.
— Bonjour à vous, seigneur, dit-elle à Dominic.
Devant les yeux ébahis de William, elle se toucha le
front, saluant Dominic comme si elle était une jeune pay-
sanne plutôt que la dame du château.
— Le petit faucon du prêtre sera bientôt libre, dit-elle à
William à voix basse.
— Ah, dit-il, le bon père le pleurera ardemment. Il
aimait partir à la chasse avec ce faucon femelle. Il disait
qu’elle lui élevait l’esprit telle une belle messe.
— Est-ce qu’un des oiseaux est malade ? demanda
Dominic.
— C’est le faucon du père Millerson, expliqua William.
— Maladie ? demanda Dominic brutalement.
William regarda Meg.
— Non, dit-elle d’une voix rauque. Il s’agit d’une bles-
sure provoquée par une bataille gagnée par un faucon sau-
vage, et non d’une épidémie qui pourrait s’attaquer aux
oiseaux des fauconneries ou des pigeonniers.
Lorsque Meg se toucha à nouveau le front et se tourna
pour s’en aller, Dominic dit :
— Attendez.
Il se rendit compte que sa curiosité était intensément
piquée par cette jeune femme qui avait émergé des faucon-
neries telle une flamme de l’obscurité, ses yeux aussi verts
que des émeraudes touchées par le soleil. Ces yeux magni-
fiques révélaient la plupart de ses pensées ; la tristesse de
25
ELIZABETH LOWELL
devoir quitter l’oiseau mourant, la surprise en voyant
Dominic dans les fauconneries, et… la peur ? Oui, la peur.
Il l’effrayait.
Ensuite, comme Dominic l’observait, les yeux de la jeune
femme changèrent à la manière de la mer qui passe du jour
à la nuit. À présent, plus rien ne bougeait et ne laissait trans-
paraître ses pensées.
« Quelle jeune femme extraordinaire. »
Dominic se caressa la moustache fraîchement taillée et
sa barbe noire pendant qu’il l’étudiait.
« Ces cheveux. Dorés, rouges et auburn. Cela fait res-
sembler sa peau à de la crème particulièrement fine. Je me
demande qui je devrai soudoyer pour l’avoir dans mon lit.
Père, frère, oncle ?
» Ou un mari… »
Dominic fronça les sourcils. La pensée que la jeune
femme soit mariée ne le séduisait pas. La dernière chose
qu’il pensait faire était de donner une excuse aux vassaux
du château de Blackthorne, qui haïssaient les Normands,
pour annuler le marché que le roi Henri avait forcé à
conclure. Les comtes écossais et la petite noblesse saxonne
pouvaient culbuter à volonté toutes les jeunes femmes,
mariées ou non ; mais si un Normand venait à toucher une
femme de la région sans le consentement du mari, les
plaintes s’élèveraient et s’entendraient tout le long du
chemin jusqu’à Londres.
« La jeune paysanne est-elle mariée ? Telle est la
question. »
Pourtant, au lieu de s’enquérir du mariage, Dominic
demanda des nouvelles de la reine des faucons, qui était un
cadeau du roi Henri à son nouveau remarquable baron.
26
INDOMPTABLE
— Est-ce que mon faucon pèlerin est arrivé sans
dommage ?
— Oui, seigneur, répondit rapidement William.
— Comment va-t-elle ? demanda Dominic.
Mais c’était à la fille qu’il s’adressait et non au
fauconnier.
— Farouche, dit Meg.
Elle se mit alors à
Weitere Kostenlose Bücher