Indomptable
Harry se
trouvait juste en haut de la colline, au milieu des champs
dont la terre sombre et brillante faisait apparaître un vert
glacé. Le chemin menant à la chaumière était entouré de
murs de pierre sèche qui arrivaient à la hauteur de la taille
et dont les parois rocheuses étaient recouvertes de lichen et
de mousse dans un dégradé de vert, de noir et de riche
couleur roussâtre. Aux endroits offerts au soleil et hors d’at-
teinte des moutons et des charrues, des ajoncs fleurissaient
dans une profusion dorée. Dans les zones couvertes
d’herbes, des jonquilles surgissaient du sol comme de
jeunes enfants prêts à jouer.
En temps normal, Meg aurait apprécié la lumière nacrée
et les contours élégants des chênes qui s’élevaient, nus, sur
les collines vertes et pentues, le parfum fort des ajoncs et le
rire silencieux des fleurs ; cependant, aujourd’hui, elle
remarqua à peine les signes de la victoire du printemps sur
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ELIZABETH LOWELL
l’hiver. Elle n’avait d’yeux que pour repérer les obstacles sur
le chemin qui pourraient la faire trébucher et s’étaler sur le
sol, et faire tomber les précieux médicaments de son panier.
La chaumière de Harry était faite de pierres et de bois,
car son père avait été un des chevaliers préférés de John. À
quatorze ans, Harry était devenu écuyer et bien parti pour
devenir un chevalier, mais il avait été blessé au cours de la
bataille pendant laquelle son père avait été tué et en était
resté handicapé. Au lieu de devenir chevalier, Harry
était devenu le gardien de Blackthorne et le propriétaire de
son propre petit morceau de terrain.
La sage-femme de la localité devait être en train de
regarder par la fenêtre, car elle accourut alors que Meg se
trouvait encore sur le sentier.
— Merci, madame, dit-elle en attrapant la main de Meg
qu’elle couvrit de baisers pour la remercier. La pauvre
femme est au bout de ses forces.
— Y a-t-il de l’eau en quantité suffisante ?
— Oui, répondit la sage-femme.
Son ton énergique prouva qu’elle se souvenait claire-
ment des précédentes naissances auxquelles elle avait
assisté lorsqu’on avait appelé Meg à l’aide. La sage-femme
pouvait ne pas comprendre les rites des Druides de la Vallée
en rapport avec l’eau, cependant, elle ne posait plus de
questions.
Meg pouvait à peine passer sous le linteau sans se
baisser. À l’intérieur, l’apparence de la chaumière témoi-
gnait de la grossesse difficile d’Adela — du porridge froid
renversé un peu partout, des restes de nourriture sur le sol
que même les chiens avaient dédaignés, des navets à moitié
pourris remontés de la cave et abandonnés, des semaines
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INDOMPTABLE
d’ordures empilées qui attendaient d’être enlevées. Après
l’air pur de l’extérieur, l’odeur qui régnait fut un choc.
— Elle dort un peu, dit la sage-femme à voix basse.
Le lit d’Adela se trouvait sur le mur du fond. Le matelas
était la seule chose qui sentait bon dans la chaumière étant
donné que Meg avait donné des sachets de plantes aromati-
ques à Harry pour qu’il les ramène chez lui tous les quinze
jours.
Même si elle n’avait que trois ans de plus que Meg, Adela
paraissait deux fois son âge. Elle s’était mariée à treize ans
et avait eu son premier enfant avant d’en avoir quatorze.
Après neuf années de mariage, elle avait donné naissance à
six enfants et trois mort-nés.
Meg s’approcha de la cheminée, remplit une bassine
d’eau chaude et l’emporta à l’extérieur. Là, elle y ajouta trois
sortes de plantes et quelques lamelles du savon qu’elle fabri-
quait elle-même. Chantonnant doucement mentalement,
Meg ôta son surcot aux longues manches étroites et plongea
les mains dans la bassine.
Débarrasse-toi de tes habits des champs et du château,
Lave-toi de tes vieux péchés et de tes chagrins profonds,
Revêts le tablier en profond respect des Druides de la
Vallée
Touche la maladie avec des mains saines.
Apaise là où il faut ralentir la danse de la mort.
Porte secours à la richesse de la vie lorsque c’est possible.
Dieu protège tout ce qui se trouve entre le ciel et la terre,
C’est par amour pour Lui que nous portons la souffrance
de la naissance.
Amen.
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ELIZABETH LOWELL
Meg toucha la croix qu’elle portait qui n’était plus en argent
mais en or, la croix de sa mère. Celle-ci avait attendu
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