Interdit
qu’elle avait essayé
de déchiffrer. Essayé, mais en vain. Elle n’avait qu’une chose
à l’esprit. Une seule et unique chose.
Duncan.
— Ariane est ici, dit Cassandra sans détour. Duncan
exige ta présence.
Pendant un instant, Ambre resta aussi immobile que la
mort. Puis, elle soupira longuement et regarda la chambre
luxurieuse. Ses yeux ne voyaient que les ténèbres.
— Simon a fait venir un prêtre avec l’héritière nor-
mande, continua Cassandra. Votre mariage va sans aucun
doute être annulé.
Ambre ne dit rien.
— Que vas-tu faire ?
— Ce que je dois faire.
— Espères-tu encore que Duncan va se permettre de
t’aimer ?
— Non.
Mais l’émotion qui flamboyait dans ses yeux disait
« oui ».
— Vient-il toujours te voir quand la nuit est noire,
lorsqu’il ne peut plus supporter son propre désir ?
— Oui.
— Et lorsque le désir est consommé ?
ELIZABETH LOWELL
— Alors vient la colère, contre lui-même, contre moi,
et contre les mensonges et les vœux qui nous ont tous
deux piégés. Alors il ne me touche plus. Cela est trop
douloureux.
— Il a au moins cette tendresse pour toi, dit Cassandra.
Le sourire d’Ambre était pire que tout cri de douleur.
— Oui, murmura-t-elle. Bien qu’il ne le sache pas, ma
souffrance lui fait aussi du mal.
— Espères-tu toujours, qu’un jour, il t’aimera ?
Ambre baissa ses longs cils, dissimulant ses yeux.
— Chaque fois que nous nous touchons, murmura-
t-elle, il y a plus de supplice sous la passion, plus de ténè-
bres. S’il y a tant d’émotion, c’est qu’il y a toujours une
chance…
— Tu resteras ici tant que tu auras de l’espoir, dit
Cassandra.
Elle hocha la tête.
— Et ensuite ? demanda Cassandra. Que feras-tu,
lorsque l’espoir sera mort et que seules les ténèbres
demeureront ?
Pas de réponse.
— Puis-je voir ton pendentif ?
Ambre parut surprise. Après un moment d’hésitation,
elle sortit le pendentif de sa robe.
Transparent, précieux, doré, il pendait au bout de sa
chaîne étincelante. Pourtant, malgré sa beauté, l’ambre avait
changé de manière si subtile que seule une personne
Érudite pouvait le voir… L’obscurité tirait un voile sur la
lumière.
Cassandra toucha le pendentif du bout des doigts.
Malgré tous ses efforts pour dissimuler le chagrin qui
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INTERDIT
faisait tempête sous son calme apparent, ses mains trem-
blaient un peu.
— Tu sais que Duncan te détruit, dit la femme plus
âgée.
Ambre demeura de nouveau silencieuse.
— Goutte à goutte, tu saignes en secret, murmura
Cassandra, jusqu’à ce qu’il ne reste plus de lumière ni de vie
en toi, seulement les ténèbres.
Silence.
— Cela détruit aussi Duncan, dit Cassandra d’un ton
catégorique.
Ce ne fut qu’alors qu’Ambre réagit, mue par le déni, la
douleur et la même rage que Duncan. Car elle était piégée
avec lui, et chaque jour était une nouvelle ombre qui s’en-
roulait autour d’eux. Jour après jour, jusqu’à ce qu’il ne reste
rien de la lumière et de la vie.
Seulement les ténèbres.
— Il ne doit pas t’écarter, dit fermement Cassandra.
Jamais je n’ai souhaité la mort de quelqu’un, mais je sou-
haite la mort à cette chienne normande qui…
— Non ! dit durement Ambre. Ne laissez pas votre âme
aller dans les ténèbres pour quelque chose que j’ai fait. Vous
m’avez appris à faire des choix et à vivre avec.
— Ou à mourir avec.
— Ou à mourir, répéta Ambre. De toute façon, si ce
n’était cette héritière, il y en aurait une autre. Nous ne pou-
vons massacrer de pauvres jeunes femmes, n’est-ce pas ?
Cassandra se mit à rire. Ce rire était aussi triste que ses
yeux.
— Non, dit-elle. Il n’y aurait pas assez de riches femmes
dans ce monde à abattre avant que ton seigneur borné
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ELIZABETH LOWELL
prenne conscience des richesses qui sont à portée de sa
main.
Sans se toucher, mais proches de tant d’autres manières,
l’Érudite et sa fille choisie descendirent ensemble dans la
grande salle. Elles furent accueillies par le feu de l’âtre, les
torches et la lumière brumeuse qui pénétrait dans la pièce
par les hautes fenêtres.
Duncan était assis dans son fauteuil de chêne massif.
Simon coupait un rôti froid avec son poignard et disposait
les fines tranches dans une assiette.
Au début, Ambre pensait qu’il n’y avait personne d’autre
dans la pièce. Ce ne fut
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