Interdit
?
demanda Cassandra.
Bien que sa voix fût neutre, Duncan eut l’impression
qu’elle venait de le gifler.
391
ELIZABETH LOWELL
— Elle a ce qu’il faut à portée de main. Si elle veut boire
ou manger, elle n’a qu’à tendre le bras.
— Elle est trop épuisée.
— Pourquoi ? demanda Duncan, furieux. Elle a dit que
ce n’étaient que quelques instants d’inconfort.
— Il y a une bougie à côté de vous, dit-elle. Mettez votre
main au-dessus de la flamme.
Il la regarda comme si elle avait perdu la raison.
— Croyez-vous que je suis fou ? demanda-t-il.
— Je crois que vous ne demanderiez pas à vos cheva-
liers de faire quelque chose que vous ne feriez pas vous-
même. Ai-je raison ?
— Oui.
— Excellent, siffla-t-elle. Alors, mettez votre main au-
dessus de la bougie, seigneur. L’espace de deux respirations,
pas plus de trois.
— Non, dit faiblement Ambre. Il ne savait pas.
— Alors il apprendra. N’est-ce pas, fier seigneur ?
Duncan plissa les yeux. Cassandra le défiait. Sans un
mot, il retira son gant et tendit sa main au-dessus de la
flamme l’instant d’une respiration.
Deux.
Trois.
— Et maintenant ? demanda-t-il à Cassandra en reti-
rant sa main.
— Recommencez. Même main. Même peau.
— Non ! dit Ambre en saisissant une bouteille de vin. Je
vais bien, ma mentore. Vous voyez ? Je bois et je mange.
Duncan remit sa main au-dessus de la flamme. Même
main. Même endroit sur sa paume.
Un, deux, trois.
392
INTERDIT
Puis, il la retira et regarda Cassandra.
Elle sourit d’un air féroce.
— Encore.
— Êtes-vous…
— Puis encore, dit-elle. Et encore. Trente-deux fois…
La prise de conscience frappa Duncan comme une ava-
lanche. C’était le même nombre de gens qu’Ambre avait
interrogés par le toucher.
— … jusqu’à ce que votre chair fume et brûle et que
vous vouliez crier sans le faire, car cela ne changerait rien,
surtout pas la douleur.
— Il suffit .
— Pourquoi êtes-vous si choqué, fier seigneur ? se
moqua Cassandra. Comme vous l’avez dit, la bougie n’est
que l’ombre du feu dans l’âtre. Mais la flamme… la flamme
brûle autant dans le temps.
— Je ne savais pas, souffla Duncan entre ses dents.
— Alors, vous auriez mieux fait d’apprendre la nature
de l’arme que vous brandissiez avant de la briser à cause de
votre ignorance et de votre arrogance !
— Je devais savoir ce que pensaient les gens du
château.
— Oui, reconnut Cassandra. Mais vous auriez pu le
faire avec plus de douceur.
— Vous auriez pu me le dire, dit Duncan en se tournant
vers Ambre.
— Les armes ne parlent pas, dit-elle. On les utilise, c’est
tout. Avez-vous fini de me brandir pour l’instant ?
Lentement, les mains de Duncan se fermèrent. Puis, il
rouvrit ses poings.
— Retournez dans votre chambre, dit-il.
393
ELIZABETH LOWELL
Ambre reposa son verre de vin et quitta la pièce, sans
un mot, sans un regard.
Et Duncan ne la rappela pas.
Mais lorsque Cassandra voulut la suivre, il désigna une
chaise de la main.
— Asseyez-vous, dit-il. Vous ne m’êtes pas loyale,
mais vous ferez ce que vous pouvez pour aider la sorcière
d’ambre, n’est-ce pas ?
Cassandra pinça les lèvres.
— Ambre est une Érudite, pas une sorcière.
— Répondez à ma question.
— Oui. Je ferai ce que je peux pour aider Ambre.
— Alors, restez et parlez pour l’arme qui est trop faible
pour parler en son nom.
— Ah, vous l’estimez donc.
— Plus que mon poignard, moins que mon épée,
rétorqua-t-il.
— Erik devrait vous voir aujourd’hui.
— Pourquoi ?
— Il pensait que vos sentiments pour Ambre seraient
plus forts que votre fierté. J’aimerais lui montrer à quel point
il avait tort, fit-elle d’un ton cinglant. Il est bien dommage
que ce ne soit pas lui qui souffre de son erreur de jugement.
Avant que Duncan ne puisse répondre, Simon et
Dominic entrèrent dans la pièce. Leurs regards passèrent
de Cassandra à Duncan, puis au souper intact dressé sur la
table.
— J’ai des nouvelles qui devraient stimuler votre
appétit, dit Dominic.
— Qu’est-ce ? demanda Duncan en se détournant de
Cassandra.
394
INTERDIT
— Sven m’a assuré que les gens du château acceptaient
volontiers de vous avoir pour seigneur.
Duncan sourit et se tourna vers Cassandra.
— Déçue ? railla-t-il.
— Par votre façon de traiter votre femme, oui.
— Alors, vous n’aurez pas à vous
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