Interdit
qu’elle avait
nommé « Duncan », sujet qui la mettait mal à l’aise.
— Cassandra viendra vous voir pour dîner, dit Erik. Et
moi aussi. Soyez présente. Assurez-vous que l’homme que
vous appelez « Duncan » soit là aussi.
Ambre se surprit à regarder droit dans les yeux topaze
froids du loup qui vivait chez son ami d’enfance. Elle leva le
menton et le regarda en plissant les yeux, avec un regard
d’ambre aussi froid que le sien.
52
INTERDIT
— Bien, monsieur.
Un sourire passa sous sa barbe or foncé.
— Avez-vous toujours du chevreuil fumé ?
Elle hocha la tête.
— Bien, dit-il. J’aurai faim.
— Vous avez toujours faim.
En riant, Erik incita le pèlerin à monter sur son poignet
avant de talonner légèrement sa monture pour galoper vers
la forêt. Le soleil illumina la robe gris tempête de son cheval
et le feu doré de ses cheveux.
Ambre les regarda jusqu’à ce qu’ils disparaissent der-
rière la butte rocheuse. Alors qu’elle se tournait pour ren-
trer dans sa chaumière, l’émerillon s’éleva dans le vent, à
la recherche d’une nouvelle proie. Ambre dressa la tête,
attentive. Mais aucun son de sabots ne se fit entendre.
Contrairement à Erik, Cassandra attendrait la fin de la
chasse pour venir lui parler.
Soulagée, elle rentra et ferma doucement la porte. Puis,
tout aussi tranquillement, elle abaissa un gros morceau de
bois en travers. Tant qu’elle ne le relevait pas, personne ne
pourrait entrer sans forcer.
— Duncan ? demanda-t-elle doucement.
Pas de réponse.
La peur lui glaça le sang. Elle courut jusqu’au lit et tira le
rideau.
Duncan était couché sur le côté, l’air détendu, les yeux
fermés. Elle tendit la main et lui toucha le front. Il dormait
profondément d’un sommeil normal.
Le contraste entre les épaules puissantes de Duncan et
la dentelle fine de la literie la fit sourire. Elle repoussa
53
ELIZABETH LOWELL
tendrement ses cheveux de son front, savourant la chaleur
et la douceur de sa peau.
Duncan bougea, mais il ne se retourna pas. Au contraire,
il semblait chercher ce contact. Sa main trouva aveuglément
la sienne, tourna autour avant de s’en saisir. Lorsqu’elle
voulut s’écarter, son étreinte se resserra. Elle sentait qu’il se
réveillait.
— Non, chuchota-t-elle en caressant sa joue de sa main
libre. Dormez, Duncan. Guérissez.
Il se replongea dans le sommeil, sans pour autant lâcher
sa main. Elle retira ses chaussures et s’assit au bord du lit,
luttant contre la fatigue qu’elle avait gardée à distance
durant les longues journées et les longues nuits depuis
qu’on avait déposé Duncan nu sur le pas de sa porte.
Elle ne pouvait pas dormir maintenant. Elle devait réflé-
chir, planifier, trouver l’unique fil dans la pelote emmêlée
de leur destin qui mènerait à une vie riche plutôt qu’à une
mort certaine.
« Tant de choses dépendent de sa mémoire. Ou de son
absence de mémoire.
» Tant de choses dépendent de la prophétie.
» Oui. La prophétie. Je dois m’assurer que rien d’autre ne
se réalise. Je crains que mon cœur ne soit perdu, mais pas
mon corps, pas mon âme.
» Cela doit rester ainsi. Je ne dois pas le toucher. »
Pourtant, alors même qu’elle essayait de se raisonner,
une protestation s’éleva en elle. Toucher Duncan était le
plus grand plaisir qu’elle, l’Inaccessible, ait jamais connu.
« Il m’est interdit.
» Non… Seul le toucher des amants est interdit entre
nous. Alors mon corps restera mien.
54
INTERDIT
» Vierge.
» La prophétie ne se réalisera pas. »
La lassitude finit par avoir raison d’elle. Ses paupières se
fermèrent, et elle bascula, s’endormant avant même que sa
tête ne touche le lit. Alors que son poids la poussait à côté de
Duncan, il se réveilla légèrement, la serra contre lui, et
replongea dans un sommeil curatif.
Enveloppée dans les bras qui lui étaient interdits, Ambre
jouit du sommeil le plus paisible de toute sa vie.
Elle ne se réveilla que lorsque le hurlement harmonieux
d’un loup s’éleva dans le crépuscule. Elle eut tout d’abord
une sensation de paix extraordinaire. Puis celle d’une cha-
leur solaire derrière elle. Enfin, elle prit conscience que le
corps nu de Duncan était tendrement collé au sien, et que sa
main droite, celle de l’épée, était sur son sein.
Une chaleur étrange l’envahit. Elle se sentit alors rougir,
tellement fort que ses
Weitere Kostenlose Bücher