Interdit

calme.
    Les écuyers et les chevaliers qui chassaient avec Erik
    échangèrent de brefs regards. Son étrange relation avec les
    animaux sauvages était source de nombreuses spéculations
    parmi ses gens. Bien que personne n’osât le traiter de sorcier
    en face, c’était le bruit qui courait entre les hommes.
    — Calme-toi, ma beauté, dit-il doucement.
    Il caressa l’oiseau de sa main nue. L’autre était recou-
    verte d’un gant de cuir qui le protégeait lorsque le rapace se
    posait sur son poignet.
    — Robbie, dit-il au maître-chien. Emmenez les chiens
    et mes hommes dans la forêt. Vous troublez la tranquillité
    d’Ambre.
    Ambre ouvrit la bouche pour le contredire. Un regard
    d’Erik la fit taire. Sans un mot, elle attendit que chiens, che-
    vaux et hommes disparaissent dans la forêt dans un fracas
    de bruits et de mouvements.
    — Comment se porte l’étranger ? demanda Erik sans
    détours.
    — Mieux que votre chien.
    — Peut-être que Trouble obéira la prochaine fois que
    Robbie fera retentir le cor de chasse.
    — J’en doute. Les jeunes mâles ont beaucoup d’entrain
    et peu d’esprit.
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    INTERDIT
    — Je me sentirais insulté, si je n’étais pas adulte moi-
    même, dit Erik.
    — Vous êtes adulte ? plaisanta Ambre en écarquillant
    les yeux. Depuis quand, monseigneur ?
    Un sourire passa sur le beau visage d’Erik. Il attendit en
    silence qu’Ambre parle de l’homme pleinement adulte qui
    reposait dans sa chaumière.
    — Il s’est réveillé, dit-elle.
    La main d’Erik se posa sur le pommeau de l’épée qu’il
    portait en permanence.
    — Quel est son nom ? demanda Erik.
    — Il ne s’en souvient plus.
    — Quoi ?
    — Il ne se souvient d’aucun nom de son passé, pas
    même le sien.
    — Il est aussi rusé qu’un renard, dit-il, catégorique. Il se
    sait entre des mains ennemies et…
    — Non, l’interrompit Ambre. Il ne sait s’il est saxon ou
    normand, serf ou seigneur.
    — Est-il ensorcelé ?
    Ambre secoua la tête. Le poids soudain de ses cheveux
    sur ses épaules lui rappela qu’elle n’avait pas encore eu le
    temps de les attacher correctement. Impatiemment, elle
    rejeta la tête en arrière et elle tira le capuchon de sa cape
    pour les cacher.
    — Je ne ressens rien de compulsif chez lui, dit-elle.
    — Qu’avez-vous ressenti d’autre ?
    — Courage. Force. Honneur. Générosité.
    Erik haussa les sourcils.
    — Un saint, dit-il sèchement. Quelle surprise.
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    ELIZABETH LOWELL
    Ambre se sentit rougir en repensant au désir que
    Duncan avait eu pour elle, et qui n’avait rien de celui d’un
    saint.
    — Il y avait aussi de la confusion, de la douleur et de la
    peur, ajouta-t-elle vivement.
    — Alors il est humain. Comme c’est décevant.
    — Vous êtes diabolique, Erik, fils de Robert du Nord !
    — Merci, dit-il en souriant. Il est bon que ma vraie
    nature soit appréciée.
    Ambre ne put se retenir de rire.
    — Quoi d’autre ? demanda-t-il.
    Son enthousiasme s’évanouit.
    — Rien.
    — Quoi ?
    — Rien.
    Le faucon ouvrit les ailes comme pour refléter l’irrita-
    tion de son maître.
    — Pourquoi est-il sur les Terres contestées ? demanda
    sèchement Erik.
    — Il ne s’en souvient pas.
    — Où allait-il ?
    — Il ne sait pas, dit-elle.
    — Doit-il allégeance à un seigneur ou est-il un homme
    libre ?
    — Il ne sait pas.
    — Pour l’amour de Dieu ! siffla Erik. Est-ce un demeuré ?
    — Non ! Il ne se souvient de rien, voilà tout.
    — L’avez-vous interrogé en le touchant ?
    Ambre soupira profondément, puis opina légèrement.
    — Qu’avez-vous ressenti ? la pressa-t-il.
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    INTERDIT
    — Quand il essaie de se souvenir, il y a de la confusion.
    S’il persiste, il y a une lumière aveuglante, une vive
    douleur…
    — Comme un éclair ?
    — Peut-être, dit-elle.
    Les yeux d’Erik se plissèrent pour former deux fentes
    d’ambre.
    — Que se passe-t-il ? demanda-t-il après un moment de
    réflexion. Vous n’avez jamais autant douté.
    — Vous ne m’aviez jamais amené un homme retrouvé
    inconscient à Stone Ring auparavant, rétorqua-t-elle.
    — C’est un reproche ?
    — Je suis désolée, soupira-t-elle. Je n’ai pas beaucoup
    dormi depuis que vous l’avez amené. Ça a été très dur de le
    ramener des ténèbres.
    — Oui, je vois ça aux ombres sous vos yeux.
    Elle sourit d’un air las.
    — Ambre ? Est-il ami ou ennemi ?
    Ainsi, il avait posé la question qu’elle avait tant redoutée.
    — Ami,