Interdit

le
    château. Corps de garde et tourelles, parapets et mur d’en-
    ceinte, douve et pont-levis… tout était visible, que ce soit
    sous sa forme grossière ou sous-achevée.
    Au-delà des cercles défensifs, on ne distinguait presque
    rien. On ne voyait que la brume épaisse, les canaux d’eau
    salée qui luisaient obscurément et l’herbe battue par la
    pluie. La présence de l’océan, dissimulé par la brume, se
    sentait dans l’air. La baie que défendait Sea Home était
    large, peu profonde et bordée d’un marais salant à
    marée haute, qui n’était plus qu’un marécage boueux
    à marée basse. L’eau fraîche de la mer traversait le maré-
    cage, tandis que de petits ruisseaux s’y déversaient depuis
    la campagne verdoyante et irrégulière.
    — Cela vous plaît ? demanda Erik à Ambre lorsque
    Duncan et elle le rejoignirent.
    — Le travail a avancé si vite, dit-elle. Je n’en reviens
    pas. La dernière fois que je suis venue, il y avait à peine une
    palissade pour protéger la demeure.
    L’importance du bâtiment en ébullition n’avait pas
    échappé à Duncan. Les hommes fortifiaient Sea Home aussi
    vite qu’ils pouvaient traîner des rondins, des pierres et des
    paniers de terre.
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    INTERDIT
    — Une fois que les défenses seront finies, je ferai entiè-
    rement reconstruire le château en pierres de taille, dit Erik.
    Puis, je remplacerai les palissades extérieures par des murs
    de pierre et rajouterai des palissades de bois et de terre
    au-delà des murs d’enceinte intérieurs et extérieurs.
    — Ce sera grandiose, dit Ambre.
    — Sea Home ne mérite pas moins. Quand je me
    marierai, ce sera ma résidence principale.
    — Lord Robert vous a-t-il choisi une épouse conve-
    nable ? s’enquit-elle.
    Duncan chercha la moindre trace de jalousie dans sa
    voix. Erik n’était peut-être pas attiré par Ambre comme l’est
    un homme par une femme désirable, mais il avait du mal à
    croire qu’Ambre ne soit pas attirée par le beau comte.
    Pourtant, il ne détecta rien dans sa voix ou son expres-
    sion, si ce n’est une simple affection pour lui.
    — Non, répondit Erik. Il est difficile de trouver une
    femme qui réponde aux besoins des rois à la fois écossais et
    anglais.
    Duncan remarqua la colère qui pointait dans la voix
    d’Erik. Elle se révélait chaque fois que le jeune comte était
    confronté à la réalité du pouvoir d’Henri, le roi d’Angleterre.
    — Qu’adviendra-t-il du château de Stone Ring, quand
    vous vous marierez ? demanda Ambre. Je ne peux l’ima-
    giner sans vous.
    — Vous serez en sécurité avec Cassandra et mon séné-
    chal au château, dit-il.
    — Ah, vous avez donc enfin choisi un sénéchal ?
    — Non. Je n’ai trouvé personne en qui je pourrais
    confier en toute sérénité un domaine aussi riche que Stone
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    ELIZABETH LOWELL
    Ring. Jusqu’à ce que j’en trouve un ou que je me marie…
    dit-il en haussant les épaules.
    — Vous allez me manquer.
    Ambre avait parlé si doucement qu’Erik faillit ne pas
    l’entendre.
    Duncan l’entendit parfaitement. Cette nouvelle marque
    d’affection entre Ambre et Erik l’agaça.
    — Je vivrai toujours une partie de l’année à Stone Ring
    et Winterlance. Marié ou pas.
    Ambre sourit simplement, secoua la tête et dit :
    — Vous avez fait un travail remarquable avec Sea
    Home.
    — Merci. Parler aux chevaliers qui revenaient de Terre
    sainte m’a donné beaucoup d’idées.
    — Sans parler des Normands, ajouta Duncan. Ce sont
    des maîtres dans la construction de murs d’enceinte.
    — Oui. Mais je n’ai pas l’intention de perdre ma terre
    au profit des usurpateurs normands.
    — Vous pensez que vous aurez bientôt des ennuis ?
    — Pourquoi cette question ? dit Erik d’un ton brusque.
    — On dirait que vos ouvriers ont travaillé longuement
    et durement cet été.
    Erik observa Duncan. Rien dans son attitude ou dans
    ses yeux ne suggérait qu’il posait ces questions dans un but
    secret.
    Loin de là. Duncan était l’un des hommes les plus
    ouverts qu’Erik ait jamais rencontrés. Il aurait beaucoup
    parié sur l’honnêteté de cet étranger.
    Il l’avait même déjà fait.
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    INTERDIT
    Laisser Duncan avec Ambre avait été un risque calculé,
    malgré la présence constante d’Egbert à leurs côtés. Mais
    rien durant ces jours de proximité forcée n’avait suggéré
    que Duncan était un loup normand déguisé en mouton
    saxon sans nom.
    — De toutes les