Jack Nicholson

comprendre que Jack avait échappé à son attention. Au bout du compte, Polanski, exaspéré, déclara prématurément la fin de la journée, et Nicholson « montra qu’il pouvait lui aussi faire le con » (d’après Polanski) en refermant brutalement les stores vénitiens et repartant d’un pas furieux à sa caravane. Il fut pourchassé par un Polanski hors de lui, qui le rattrapa, lui hurla une série de grossièretés, essaya de taper sur sa télévision avec un balai, et finit par lancer le poste hors de la caravane.
    « La réaction de Jack a été dramatique dans sa furie irrationnelle », écrit Polanski dans ses Mémoires. « Il a retiré ses vêtements sous le regard médusé de toutes les personnes présentes et a quitté la scène. J’étais trop fou de rage pour faire autre chose que quitter les lieux à mon tour, et j’ai donc pris la direction du parking. »
    D’après l’une des versions qui a été reprise dans la presse, les deux hommes se seraient retrouvés côte à côte dans leurs voitures au feu rouge de Marathon Street devant les studios de la Paramount. Par la fenêtre de sa vieille VW , Nicholson aurait marmonné : « Enculé de Polanski ! » Soudainement « frappé par le comique de la situation », Polanski n’aurait pas pu s’empêcher de sourire. Et Nicholson aurait souri en retour. Les deux hommes auraient été pris d’une crise de fou rire incontrôlable alors qu’ils accéléraient pour prendre des directions opposées.
    Les désaccords avec Towne au sujet du script furent laissés entre les mains de Polanski, qui les résolut à la façon d’un édit, comme il en avait l’habitude. Le soir qui précéda leur tournage, Polanski écrivit les versions définitives des deux scènes que le scénariste n’avait pas pu se résoudre à changer.
    Evelyn Mulwray coucherait bien avec Jake Gittes à l’écran, tandis qu’à la ville, Nicholson faisait de même avec sa magnifique partenaire, Faye Dunaway, d’après les journalistes de Hollywood (aucun des deux protagonistes ne l’a jamais admis).
    Le dénouement fut aussi celui de Polanski : Gittes apprend le « secret » d’Evelyn Mulwray et cherche à envoyer la jeune femme et sa fille dans un lieu caché. Noah Cross les poursuit dans un quartier de Chinatown. Dans le chaos des évènements, Evelyn est tuée par la balle perdue d’un policier, et Cross s’échappe avec l’enfant – sous le regard de Gittes, complètement vaincu.
    Le dénouement devait être filmé le dernier soir du tournage. Dunaway avait attendu patiemment ce moment pour prendre sa revanche sur le réalisateur qui l’avait torturée. « Le rendez-vous était fixé pour trois heures », s’est souvenu Evans, le producteur, au cours d’une interview. « Fay a mis quatre heures pour sortir de sa loge. Il faisait noir. John Huston était gelé. Roman était en sueur. On n’a pas pu faire la première prise avant onze heures du soir. »
    Le dénouement de Polanski marquait l’histoire d’une glaciale note de fatalisme. Il est difficile d’imaginer une conclusion différente à Chinatown. Cependant, le scénariste, Towne, se sentit trahi par ce processus, trahi de s’être fait dérober des parties de son script qu’il chérissait. Il regretta toujours « le climax littéral à la froideur macabre » (d’après ses propres mots) qui avait été sommairement imposé par le réalisateur.
    Pour composer le rôle de Gittes, Nicholson dit avoir été aidé par l’un de ces « secrets » qui lui permettaient de se mettre dans la peau d’un personnage. Mais ce secret n’en était pas vraiment un – tout comme beaucoup de secrets de Nicholson, il était indéniablement ouvert.
    Ce secret était une « situation de coulisses triangulaire », d’après les mots de Jack, dans laquelle il se trouvait lui-même avec John Huston et la fille de ce dernier, Anjelica.
    D’après les articles de journaux qui proliféraient à leur sujet, l’acteur avait fait la connaissance d’Anjelica Huston au cours d’une soirée au début de l’année 1973. Il l’avait trouvée cla-a-a-sse, aimait-il raconter aux journalistes. Elle avait observé ses yeux. « Ils étaient doux, et tout son visage s’illuminait quand il souriait », déclara-t-elle.
    « Il fallait que je l’ai ! » affirma-t-elle au cours d’une autre interview. « J’étais allée chez lui pour une fête avec un groupe d’amis et j’avais dit à l’une de mes