Jack Nicholson
emphatique que Russell porta sur l’opéra rock des Who engendra des scènes où Ann-Margret était submergée par des haricots, de l’eau de vaisselle et du chocolat fondu ; où le chanteur de pop Elton John, sur des échasses, faisait jouer ses doigts sur un immense flipper ; où le dieu de la guitare Eric Clapton présidait la rock and roll Church of Marilyn Monroe.
Dans sa scène, relativement bienséante, Nicholson auscultait Tommy et diagnostiquait son traumatisme, tout en chantonnant les vers de Go to the Mirror, Boy en affectant un accent britannique. Sa voix de baryton était passable ; cette fois-ci, sa chanson ne fut pas coupée. « C’est comme s’il parlait de quelque chose, a commenté le réalisateur, Russell. Et il a d’ailleurs une voix plutôt douce et charmante. »
The Fortune, ou La Bonne Fortune, était à des années-lumière de Tommy. Et à des années-lumière de tout ce que Nicholson avait déjà pu faire de sa célébrité. C’était une comédie excentrique, dépourvue de toute volonté de réalisme – aucune attaque lancée contre le public, une pure fantaisie hollywoodienne.
Les gens qui avaient suivi le travail de Carole Eastman s’attendaient très certainement à autre chose de sa part à ce moment de sa carrière : à quelque chose d’austère et d’existentiel. Mais avec La Bonne Fortune, ils se retrouvèrent face à une farce en costumes, un surprenant retour aux comédies hollywoodiennes folles des années 1930 et 1940, ne visant à rien d’autre qu’à ridiculiser sans relâche deux vauriens de losers qui transportaient une héritière stupide à travers le pays tout en projetant de la tuer ou de l’épouser.
C’était un autre film situé dans le cadre nostalgique du passé, où l’acteur que l’on identifiait tellement aux sixties se retranchait parfois, et qui lui permettait non seulement de réfléchir sur des souvenirs de ces années d’apprentissage, mais aussi sur les genres « rétro » qu’il avait adorés lorsqu’il était jeune.
Nicholson avait foi en Carole Eastman et aimait l’aspect comique de son script. La Bonne Fortune lui offrait une opportunité de travailler de nouveau avec le réalisateur Mike Nichols ; et pour la première fois, son vieil ami, Don Devlin, devait se joindre à l’équipe et faire office de producteur de l’un de ses films. Plus important encore : ce film lui fournissait une excuse pour travailler avec un acteur de son niveau, un acteur qui le fascinait et avec qui il était devenu ami : Warren Beatty.
Ils avaient besoin d’une actrice forte, en contraste, pour jouer le troisième rôle, un personnage nommé Freddie, une héritière dont la famille avait fait fortune dans la serviette hygiénique (source d’héritage qui donne lieu à des blagues de mauvais goût et de savoureux monologues de Jack sur « le coucher des souris »).
Ils optèrent pour une inconnue, une rousse pétillante nommée Stockard Channing, dont l’expérience dans le cinéma était à cette époque limitée à quelques fugaces apparitions. C’était la philosophie du cercle professionnel de Jack, une sorte d’équivalent de la quête intime de l’acteur : rendre une femme célèbre plutôt que d’en choisir une qui l’était déjà.
Le reste de ce casting sans prétention, lorsque le tournage de La Bonne Fortune se déroula au cours des mois de juillet et août 1974, comprenait Tom Newman (qui avait été le colocataire de Jack à l’époque de Fountain Avenue) et Scatman Crothers.
Le moral sur le plateau était au beau fixe, tous pensant que le film serait un succès. Devant les caméras, Beatty et Nicholson semblaient partager la même camaraderie espiègle qui les liait à la ville. Dans les rôles de Nicky et d’Oscar, les deux mauvais comploteurs, ils faisaient réfléchir via leurs contrastes – comme dans la vraie vie.
Beatty avait les cheveux courts et gominés, une moustache fine comme un crayon, une veste élégante, une cravate, des knickers, et des chaussettes à losanges. Il jouait un personnage très vantard, un libertin sûr de lui qui débitait des boniments à tout-va. Le personnage de Nicholson se rapprochait davantage de celui du nigaud.
Portant des vêtements larges et arborant des sourcils en broussaille, une moustache et une permanente ébouriffée par le vent, il marchait en sautillant et pleurnichait comme un crétin. Cette ruse, qui consistait à faire baisser son QI , il savait très
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