Jack Nicholson
(l’ex-femme de Bruce Dern) se vit confier le petit rôle de la femme qui met en scène la mort de Mr Mulwray. Polanski incarnerait quant à lui, selon la liste des personnes créditées, « L’Homme au couteau » (une allusion à l’un de ses précédents films, Le Couteau dans l’eau), le répugnant petit voyou qui coupait Gittes au nez.
Beaucoup d’efforts furent faits pour recréer l’ambiance de l’époque. La direction artistique et la décoration du plateau furent confiées à Richard Sylbert, qui avait conçu les décors de tous les films de Mike Nichols, dont Ce plaisir qu’on dit charnel (l’Academy le gratifia d’une nomination aux Oscars pour son évocation des années 1930 dans Chinatown). La belle-sœur de Sylbert, Anthea Sylbert, fut embauchée en qualité de chef costumière. Afin de trouver des idées pour la garde-robe de Jake Gittes, elle observa longuement de vieilles photographies de stars du cinéma se relaxant dans leurs maisons.
« Contrairement à Bob Evans, écrivit plus tard Polanski, je ne considérais pas Chinatown comme une imitation volontairement "rétro" des films classiques tournés en noir et blanc mais comme un film sur les thirties vu par l’œil de la caméra des seventies . » Polanski insista pour que le film soit en couleurs et en Panavision. Il choisit un chef opérateur du temps jadis, Stanley Cortez, l’homme qui avait signé la photographie de La Splendeur des Amberson pour Orson Welles. Mais Cortez ne fit pas l’affaire et fut remplacé au début du tournage par l’un des jeunes turcs de Hollywood, John Alonzo.
Il était de notoriété publique que sur les plateaux, Polanski se montrait strict, rigide, têtu, sarcastique et intimidant. Le réalisateur se disputa avec Dunaway dès le début du tournage, soit en automne 1973. Le premier rôle féminin se préoccupait de son apparence « à tel point que c’en était presque pathologique », si l’on en croit Polanski. Ses étranges hésitations et pauses de respiration constituaient en réalité « un moyen d’essayer de se souvenir de ce qu’elle devait ensuite dire, car elle ne savait pas son texte et était toujours en train d’harceler Polanski pour qu’il le réécrive », d’après le principal intéressé. Quand le réalisateur répondait aimablement à sa demande de réécriture, Dunaway faisait « presque invariablement » marche arrière, toujours d’après Polanski, en suggérant un retour au texte originel.
Dunaway réclama également des nuances concernant son personnage et ses motivations. Polanski lui hurla que l’argent qu’elle touchait était une motivation suffisante. L’impatience du réalisateur et les caprices de l’actrice atteignirent leur apogée lors du tournage de la petite scène où Mulwray et Gittes se retrouvaient au restaurant. La caméra faisait ressortir un épi dans les cheveux de l’actrice. Le coiffeur fit tout ce qui était en son pouvoir mais ne réussit pas à dompter la mèche rebelle. Dans un accès de colère, Polanski s’empara de l’épi et l’arracha. Dunaway devint hystérique, hurla des obscénités au réalisateur et quitta le plateau folle de rage. Cet incident provoqua une réunion au sommet à laquelle assistèrent Dunaway, son agent, le producteur Evans et Polanski.
Au cours de cette réunion, Polanski dit à l’actrice : « Tu n’es qu’un pion sur l’échiquier de mon plateau, et si tu veux continuer de travailler sur mon plateau, tu dois accepter ça. » On réussit non sans peine à proclamer une trêve, une situation qu’Evans parvint en partie à créer en tenant Dunaway à l’écart du plateau pendant trois semaines. À son retour, l’actrice n’adressait plus la parole à Polanski et acceptait froidement ses directives.
Polanski était également un habitué des prises multiples, soit les conditions inverses de celles dans lesquelles Nicholson aimait travailler. Le réalisateur disait à Jack et aux autres acteurs le ton qu’il voulait qu’ils donnent à chacune de leurs répliques, ce qui était une aberration pour Nicholson (ce dernier détestait tellement les didascalies qu’il ne se gênait pas pour rayer du script toute indication que le scénariste avait pu noter au sujet de telle ou telle réplique). Le réalisateur avait également l’étrange habitude de placer des frisbees par terre pour marquer les endroits où les acteurs devaient impérativement se placer.
Nicholson n’appréciait pas les
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