Jack Nicholson
amis essayèrent de comprendre. Peu d’entre eux avaient connu Ethel May, et encore moins June. Personne n’arrivait à assimiler cette nouvelle. C’était comme une pièce manquante qui changeait tout.
Lors des interviews, Nicholson avait toujours cherché à mettre en valeur l’honnêteté de son éducation et la sincérité de son jeu d’acteur. (« Ma famille a toujours considéré l’honnêteté comme une valeur essentielle. ») La nouvelle ébranlait toute sa publicité, l’image qu’il avait minutieusement construite.
Jack demanda à Nichols, le réalisateur, de l’observer attentivement pendant le tournage de La Bonne Fortune car il avait été bouleversé par une révélation personnelle. Il est impossible de le détecter dans le film. Sauf, peut-être, dans l’aspect exceptionnellement irraisonné de sa prestation – une variante comique de sa spécialité qu’était l’abandonnement. Téméraire. Presque désespérée.
Le plus étrange dans tout cela, c’est qu’alors que sur le plateau de La Bonne Fortune Jack était rongé par la nouvelle, Chinatown était en train de sortir dans les salles du pays. Dans la scène de la révélation – l’une des scènes de colère brevetée de Nicholson –, Jake Gittes brutalisait Evelyn Mulwray pour qu’elle lui divulgue son honteux secret de famille, l’inceste :
Gittes : Je t’ai dit que je voulais la vérité !
Evelyn : C’est ma sœur.
(Gittes la gifle.)
Evelyn (poursuivant) : C’est ma fille.
(Gittes la gifle de nouveau.)
Evelyn (poursuivant) : Ma sœur.
(Il la frappe de nouveau.)
Evelyn (poursuivant) : Ma fille.
(Il finit par l’attraper et par la pousser contre un vase chinois bon marché qui se brise en éclats tandis qu’elle s’écroule sur le canapé, en sanglotant.)
Gittes : Je t’ai dit que je voulais la vérité !
Evelyn (hurlant presque) : C’est ma sœur et ma fille !
C’était une scène si proche de la révélation sœur-mère que beaucoup de membres du cercle de Nicholson se demandèrent si Robert Towne n’avait pas une boule de cristal et le don de fouiller dans un passé dont il ne pouvait rien connaître. Towne ne faisait pas de « manifeste révolutionnaire » et ne définissait pas l’avenir du cinéma. Mais personne n’avait jamais écrit avec une plus profonde compréhension de Jack. Personne n’avait jamais autant enrichi et élargi la personnalité de l’acteur à l’écran.
Nominé dans toutes les principales catégories des Oscars, Chinatown ne remporta qu’une seule récompense : celle du meilleur scénario. Ne se satisfaisant pas de cela, Robert Towne décida d’écrire une suite qu’il mettrait lui-même en scène. La saga de Jake Gittes ne s’arrêterait pas là.
8.
Adaptation aux circonstances 1977
Désormais, au vu de la succession de films de qualité supérieure qui suivit Easy Rider – Cinq pièces faciles, Ce plaisir qu’on dit charnel, The King of Marvin Gardens, Profession : Reporter, La Dernière Corvée et Chinatown –, il était évident que l’acteur laissait son empreinte sur tout ce qu’il choisissait de faire. Ses personnages reflétaient des aspects de sa personnalité, ses idées, ses préoccupations. Ils étaient, invariablement, des êtres profondément perturbés aux problèmes personnels insolubles – des rêves contrariés et des traits de personnalité non épanouis – bien définis socialement. Jack avait une préférence pour les scénarios austères et dramatiques, qui lui laissaient néanmoins l’opportunité de faire le clown. Il était attiré par le langage cru et la sexualité. Il ne choisissait que des réalisateurs auxquels il pouvait se fier du fait de leur réputation ou de l’amitié qu’il entretenait avec eux.
Jack avait « un jeu très personnel » et un comportement marquant qui rappelaient le style désuet de John Wayne, Clark Gable et Jimmy Stewart. Mais parallèlement, Jack se montrait excessivement intelligent lorsqu’il s’agissait d’intégrer des choses étrangères à lui-même, et il n’avait rien contre une immersion dans la Méthode. Il semblait tout aussi à l’aise avec les scripts bien léchés que dans les situations improvisées. C’était une fascinante combinaison de l’ancien et du nouvel Hollywood.
Chinatown alla au-delà des objectifs plutôt bas que la Paramount s’était fixés. À l’instar de La Dernière Corvée, le film ne fut qu’un succès modeste au box-office.
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