Jacques Cartier
est en ville.
Allons prêter notre aide à ceux qui en ont besoin.
Le ciel s'illuminait de clartés lugubres.
Tous les hommes, sans exception, s'élancèrent à la suite de maître Jacques.
Des clameurs assourdissantes se mêlaient aux notes lentes et sinistres du tocsin.
Constance n'avait pas assisté au repas. Mais dès le premier signal de l'incendie, elle était venue dans la salle basse, où elle essayait de rassurer dame Catherine, qui tremblait comme la feuille du bouleau au souffle de la bise.
La porte du rez-de-chaussée était restée grande ouverte.
Subitement, un homme, le visage noirci comme celui d'un charbonnier, se jeta d'un bond dans la chambre. Sans mot dire, sans qu'on eût même songé à résister à son dessein, il enleva Constance dans ses bras et disparut avec la soudaineté de l'éclair.
CHAPITRE XI. LA PRISON.
Principal accusé dans l'attaque du navire, Georges fut, sur le rapport de Jean Morbihan, logé en la tour Qui-Qu'en-Grogne. A ses deux complices on assigna pour prison la tour des Moulins. La première de ces tours se dressait en face de la maison de Cartier ; la seconde regardait l'ancienne Digue ou chemin de Saint-Malo à Saint-Servan. A marée haute, le pied des tours plongeait dans l'eau ; à marée basse, il était à sec.
Georges de Maisonneuve avait été enfermé dans une pièce circulaire, voûtée, fort élevée, tout de pierres de taille, dont une triple porte défendait l'entrée. Un pilier énorme soutenait les arceaux de la voûte à ogives. Une seule et profonde embrasure, en forme d'entonnoir, laissait filtrer la lumière dans le cachot. Large de deux pieds au dedans, ce trou n'avait pas plus de six pouces de diamètre au dehors. Des barreaux de fer entrecroisés étaient scellés dans la muraille intérieure, comme dans la muraille extérieure.
Dès qu'il se fut habitué à l'obscurité, presque complète, qui régnait en ce triste lieu, Georges en opéra la reconnaissance. Ce ne fut pas long. Nulle autre issue que les trois portes et le soupirail. Ce dernier à dix pieds du sol. Le reste, granit, granit partout. Cet inflexible horizon n'effraya pas trop, cependant, le chef des Tondeurs. Son esprit, comme son corps, avait été moulé avec du bronze. Tout de suite il songea à une évasion. Par l'embrasure, elle paraissait impraticable. Ce fut vers la porte qu'il dirigea d'abord son attention.
Cette première porte était épaisse, fortement garnie de plaques et de lames de fer. Mais les gonds saillaient sur les jambages. Georges eut un sourire d'espoir. S'il en était de même pour les deux autres portes, il ne serait pas longtemps privé de sa liberté.
Notre homme était garrotté avec de grosses cordes.
Cependant jusqu'alors on ne l'avait pas jugé prisonnier d'assez d'importance pour l'enchaîner à un anneau de fer fixé dans le pilastre, au-dessus de la botte de paille qui devait lui servir de lit.
Georges s'assit sur cette botte de paille. Il se mit à réfléchir. Grâce à son déguisement, il pouvait se flatter qu'on ne reconnaîtrait pas en lui le terrible capitaine des Tondeurs. On ne l'avait jamais vu, dans Saint-Malo, qu'avec une chevelure et une barbe noires. Il était naturellement très-blond. Qui donc maintenant s'aviserait de le prendre pour le brillant cavalier qui donnait, hier encore, le ton à la ville ? Quand même ils soupçonneraient son identité, ses compagnons de plaisirs n'auraient-ils pas intérêt à la nier ? Est-il si plaisant d'avouer que l'on a été l'ami d'un coquin ? Restaient les gens appréhendés en même temps que Georges. Ils étaient bien liés par un serment et par leur intérêt aussi. Mais la torture...
Ceux-là parleraient. C'eût été enfantillage, niaiserie d'en douter. Il fallait-ne pas perdre un instant et travailler activement à sa délivrance. Heureusement, Eric n'avait pas été pris. On pouvait compter sur son concours. Il était bien capable d'enlever le château par un coup de main, sinon de l'assiéger. De toute manière, Georges ne demeurerait pas longtemps sous les verrous.
Vers deux heures, on lui apporta une cruche remplie d'eau et un pain de sarrasin. Georges n'avait rien mangé depuis la veille. Il dévora cette grossière nourriture et fit un somme. La nuit venue, le captif pensa qu'il n'avait plus à redouter de visite. Alors, jetant bas sa coiffure, par un mouvement de la tête, et la ramassant ensuite avec ses mains dont les poignets seuls étaient attachés l'un contre l'autre, Georges
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