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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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la sphère étoilée Véga de la Lyre, Bételgeuse d’Orion et la rouge Antarès du Scorpion au sud, quand, dans la nuit bien noire, je vois se profiler le long ruban blanc de la Voie lactée, je revis l’exaltation que j’ai éprouvée lorsque je les ai identifiées pour la première fois.
    Les constellations sont fiables ; quand on a mémorisé leur dessin, on ne les perd plus. Ce n’est pas aussi simplepour les planètes. Peu à peu, j’ai appris à les suivre sur la route du Zodiaque. Constater que Jupiter avait quitté le Bélier pour entrer dans le Taureau me grisait. Il me semblait renouer avec une tradition millénaire.
    Une paire de jumelles, un télescope construit avec un tuyau de cheminée, m’ont permis d’aller plus loin dans mon exploration. J’ai découvert les anneaux de Saturne et les satellites de Jupiter. J’ai observé la pépinière d’étoiles d’Orion. Je me suis attardé longuement sur la galaxie d’Andromède, dont la lumière voyage pendant près de 3 millions d’années avant d’arriver jusqu’à nous. Je me répétais que l’image que j’en voyais avait quitté cet astre bien avant la découverte du feu par nos lointains ancêtres… Non, Baudelaire, le monde n’est pas petit !

    Ambition de jeunesse
    Mon appétit était sans bornes. Il me fallait de toute urgence, me semblait-il, prendre connaissance de tout ce qu’on avait découvert sur l’Univers. Faire le bilan des acquis de ceux qui m’avaient précédé sur ce chemin et surtout, surtout, me mettre à l’œuvre pour poursuivre cette tâche d’explorateur.
    Les rêves de l’enfance, souvent empreints d’une naïve mégalomanie, mobilisent les énergies nécessaires à la poursuite d’une carrière, malgré les difficultés et les aridités dont elle est parsemée. Une image se présentait à moi qui, dans mon idée, devrait, à la fin de ma vie, résumer l’ensemble de mon activité professionnelle. J’écrirais un « gros livre » en deux sections. La première, appelée « Leurs contributions », couvrirait toutes les connaissances accumulées avant mon arrivée dans le métier. Elle occuperait environ le tiers du livre. La seconde, « Ma contribution », occuperait, elle, modestement, les deux tiers restants… Comme mon nom, ces deux titres seraient gravés en lettresdorées sur le dos de la couverture en cuir repoussé, semblable à celle de l’ Encyclopédie de la jeunesse .
    Ce narcissisme enfantin fut pour moi un puissant moteur, mais aussi un poids parfois lourd à porter. Le jeune chercheur comprend rapidement qu’il n’est pas seul dans cette course au savoir. Son ambition est partagée par bien d’autres, tous aussi décidés à rendre manifestes leur supériorité intellectuelle et leur aptitude à résoudre des énigmes. Le milieu scientifique est un monde de haute compétition, quelquefois accompagné de coups bas. Je reviendrai plus tard sur les tensions et les conflits que pose l’intégration de la motivation personnelle et de sa forte composante égotiste dans la sphère de la recherche.

    Charlotte Tourangeau, ma grand-mère conteuse
    « Si vous apprenez bien vos leçons, je vous raconterai une histoire. » J’ai retrouvé récemment une photo de ma grand-mère maternelle Charlotte. Assise dans une chaise berçante (rocking-chair), en face d’une dizaine d’enfants suspendus à ses lèvres, elle est immortalisée dans l’un des rôles que je lui préférais : conteuse. Elle y excellait.
    « Des rubis ! des émeraudes ! des topazes ! des diamants ! des perles ! Sont-elles à vous toutes ces merveilles, Angelina ? »
    Ma grand-mère prolongeait les contes de Charles Perrault de suites inattendues. Sa contribution personnelle commençait après le retour du Petit Poucet et de ses frères dans la maison familiale, ou encore après la mort du loup tué par le chasseur arrivé juste à temps pour sauver le Petit Chaperon Rouge. Comme elle aimait à dire, elle brodait… Les intrigues mélangeaient allègrement Riquet à la Houppe à la Belle au Bois Dormant, Blanche-Neige au Petit Poucet promu Prince Charmant ! Ces moments étaient pour moi d’une grande douceur, d’un charme exquis, toujours renouvelé. Je pouvais l’écouter indéfiniment. Je ressentais le plaisir qu’elle éprouvait à faire rêver, baissant la voix pour mieux nous captiver et retenir notre attention, ralentissant le débit de ses paroles pour exciter notre curiosité, jouant de notre

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