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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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lesquels mes lecteurs me questionnent souvent : la musique, les préoccupations écologiques, la philosophie, la religion etc.
    Selon Sigmund Freud, « toute personne qui rédige sa biographie se condamne à mentir, à dissimuler et à essayer de se faire voir sur son meilleur jour ». Je n’y manquerai sans doute pas. J’ai cependant l’espoir qu’en cherchant à identifier mes raisons de vivre, à parler du moteur de mes enthousiasmes, le résultat puisse être profitable à quelques personnes. Si mes mots sont une aide pour ceux qui tentent de construire leur vie et leur avenir, notamment pour les jeunes qui envisagent de s’orienter vers la voie scientifique, alors mon but sera atteint.
    J’ai également voulu revenir, tout au long de ces chapitres, sur le rôle important que certaines personnes ont joué dans ma vie. Une façon pour moi de leur exprimer ma reconnaissance, même si, pour la plupart d’entre elles, elles ne sont plus là. Ce retour sur mon passé m’a permis de prendre conscience de mes dettes envers ceux qui m’ont donné accès à des mondes nouveaux dans lesquels je me suis senti aussitôt si incroyablement à l’aise… J’avais déjà, me semble-t-il, une mystérieuse intuition de leur existence. Il ne me paraît pas possible qu’ils m’aient été totalement étrangers.

Première partie
    Prélude (allegro)

Chapitre 1
    Il y a à explorer le monde
    Pour l’enfant amoureux de cartes et d’estampes
    L’univers est égal à son vaste appétit.
    Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
    Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
    Baudelaire, « Le voyage », Les Fleurs du mal
    U n jour, mon père est arrivé à la maison avec une pile de gros livres. Il s’agissait des douze tomes de l’ Encyclopédie de la jeunesse , numérotés en chiffres romains dorés sur un dos noir. Les volumes, intitulés Le Livre de la nature , La Terre et son histoire , Pays et nations , ont, pendant de longues années, alimenté mes rêveries.
    À travers ces lectures, j’ai développé un grand désir de parcourir le monde. Ce projet, je le sentais obscurément, pouvait remplir mon existence. Comme les explorateurs des siècles passés dont les chroniques occupaient mes loisirs, il me tardait de me mettre en route. Cette urgence ne m’a jamais quitté et les gratifications dont je lui suis redevable ont toujours dépassé mes espérances.
    Nous avons la chance de vivre un temps où, contrairement à l’époque de Baudelaire, l’exploration du monde ne se confine plus à visiter la planète. Nous avons découvert que le cosmos est gigantesque et qu’après avoir donné naissance aux galaxies, aux étoiles et aux planètes, il nous a donné notre propre vie. Nous savons que notre aventurepersonnelle fait partie de l’aventure cosmique. Il n’y a vraiment pas de quoi s’ennuyer…
    Même en cent ans, je n’aurai pas le temps
    De visiter toute l’immensité d’un si grand univers.
    Paroles de Pierre Delanoë, musique de Michel Fugain, « Je n’aurai pas le temps »
    © Warner Chappell Music France, 1967
    Pendant une séance de chorale dirigée par mon fils Benoît, je me suis entendu prononcer les mots que j’ai choisis comme titre à ce livre.
    Aujourd’hui, je suis confronté au chiffre de mon âge. Il augmente sans répit. Il me rappelle que cette quête de savoir ne se prolongera pas au-delà de quelques années, au mieux quelques décennies. Je me sens empreint de tristesse à l’idée que je n’aurai plus accès à la poursuite de cette fascinante exploration du cosmos. Je ne lirai plus, confortablement installé dans mon fauteuil, les dernières livraisons des revues scientifiques…
    « Bientôt vient la nuit dans laquelle on ne peut plus rien voir. » Dans un cahier, mon grand-père avait écrit ces mots, extraits, je crois, d’un psaume de David. À sa mort, ses enfants les ont fait imprimer au dos de sa photo couleur sépia. C’est au salon funéraire, devant le cercueil où il reposait, que je les ai lus pour la première fois. Face à ses lèvres blêmes, à jamais fermées, ce message m’a laissé transi.
    Pendant la journée, la position du Soleil dans le ciel nous importe moins que sa lumière et sa chaleur. La luminescence bleue de l’air limite notre visibilité. C’est elle qui nous empêche de voir les étoiles et les galaxies. Le soir, le Soleil descend sur l’horizon et, dans l’embrasement de couleurs qu’il allume à

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