Je Suis à L'Est !
gens étrangers, dont beaucoup de tortionnaires de cour de récréation, est réellement nécessaire. Le système scolaire devrait être plus souple à ce niveau-là , ce qui éviterait à certains bien des déboires.
Un de mes anciens amis, Romuald Grégoire, de mémoire bénie, raconte dans ses Mémoires parus peu avant sa mort ses efforts pour éviter dâaller à la piscine. Cette dernière était devenue une sorte de préoccupation majeure, nuage noir planant au-dessus de ses jours. Alors quâil aurait été si simple de résoudre ce problème. Malheureusement, les gens sont habitués à imputer la « faute » de la souffrance à la personne autre, en particulier si elle est handicapée, à lâimage de ces managers qui, de par leur tempérament et leurs méthodes, poussent à bout leurs collaborateurs, et invoquent les faiblesses personnelles de ces derniers en guise dâexplication. On dira donc que lâenfant fuyant la piscine ou les voyages scolaires est bizarre, quâil a des angoisses, quâil lui est nécessaire de suivre une thérapie, de prendre des médicaments⦠sans bien entendu prendre en compte les répercussions de ces derniers.
De lâangoisse à la cachette
Enfant, jâavais des accès de colère, ou des moments de repli complet lors de ces crises dâangoisse. Quand mes parents changeaient le programme du lendemain, je pouvais passer des heures sans bouger sous un meuble, sous un lit, lâun de mes endroits préférés, dans un coin caché. On sây sent protégé, il y a beaucoup moins de bruit, beaucoup moins de lumière. Jây ai passé tant de demi-journées ! Quitte à choquer, pourquoi ne pas envisager dâaménager des espaces expressément conçus à cet effet ? Jâai visité récemment des appartements où des parents avaient aménagé un endroit calme pour un enfant avec autisme : je crois que câest là une excellente idée. Mais à lâépoque, cela nâétait pas encore bien connu.
Les cachettes ont fait partie de mon enfance â et pas seulement de mon enfance. Tout lieu étroit convenait. Jâaimais aussi aller dans des endroits qui ne sont pas des cachettes à proprement parler : les recoins des cours de récréation, les toilettes, où je restais très longtemps.
Une cachette ou un lieu de refuge apporte un moment de calme sensoriel. Souvent, les bruits, les lumières sont atténués ; à ce niveau-là , il nây a rien de mieux quâune armoire, qui est fermée. Sur le plan visuel, câest la même chose, un grand moment de calme, un sentiment de protection ; mais quand vous avez un contact physique de tous les côtés ou presque, câest encore plus reposant. Vous avez aussi un lieu calme pour lire â si la configuration de la cachette le permet : dans un recoin de cour de récréation ou dans les toilettes vous pouvez lire pendant des heures, jusquâà ce quâon vous déloge ; dans une baignoire, aussi â bien sûr sans eau. On pourrait vraiment mieux prendre en compte ce besoin qui était le mien, et pas que le mien, dâavoir droit à un refuge. Si vous êtes confronté à une salle de classe très bruyante et que vous nâen pouvez plus, même dâavoir droit à quelques minutes de refuge dans un placard peut vraiment changer les choses.
Je suis assez frappé, maintenant, quand je lis quâon considère le fait dâenfermer un enfant dans un placard comme une punition inhumaine. Pour moi, câétait un moment de bonheur. Puisque les amateurs de psychanalyse et de langues le devineront de toute manière, inutile de le cacher, sans faire de mauvais jeu de mots, dâautant plus quâil pourra amuser le lecteur quelles que soient ses opinions par ailleurs : en tchèque, le verbe le plus proche de mon nom de famille, schovat , veut dire, en effet, « cacher ». De là à croire, par un mécanisme dont certains analystes se font une spécialité, que tous les autistes sâappellent en fait Schovanec relèverait soit dâune gracieuse plaisanterie, soit dâune assertion peu sérieuse, les deux se distinguant par leurs conséquences sur la vie des gens.
La source dâangoisse
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