Je Suis à L'Est !
nécessaires ? Au-delà des livres et cahiers prescrits, quel est le véritable degré de nécessité des boules Quies, des différents en-cas, du parapluie, du parapluie de secours au cas où le premier serait déchiré par le vent, de la lampe de poche en cas de coupure de courant à lâécole, de la corde pour fuir en cas dâincendie, et du compteur Geiger indispensable pour vous signaler toute fuite dans la centrale nucléaire proche de chez vous ? Le summum des compétences à atteindre est-il bien la désinvolture du cancre de la classe, qui est serein en arrivant en classe sans rien et en retard ? Jusquâoù aller dans lâapprentissage du stress dâêtre pris en défaut ? Répondre à ces questions prendra du temps, sans doute des années. Et encore : leur véritable solution, comme dans ces légendaires procès du Saint Empire romain germanique qui sâachevaient par la mort naturelle des protagonistes, sera probablement la fin de la scolarité elle-même.
Un autre problème du collège tient dans les camarades de classe. Si les enfants sont plutôt calmes en primaire â après avoir été agités en maternelle â, au collège la situation peut devenir très tendue parce quâils redeviennent violents : quand on tape en maternelle et en primaire, rarement lâacharnement est tel quâil vise à blesser sérieusement. Au collège, une minorité de jeunes frappe pour blesser ou pour laisser des traces sur lâautre. Les tabassages sont moins fréquents mais plus conséquents. Vous pouvez tomber sur un groupe violent soit dans lâétablissement, soit à sa sortie. La rue ou les quelques rues alentour peuvent être des lieux tout à fait redoutables et les rencontres que lâon y fait très négatives. Y compris aux abords des « bons » établissements. à ce titre, je souris toujours quelque peu en entendant le nom de tel ou tel sinistre personnage dâantan, ancien camarade ou plutôt tortionnaire de classe, qui aujourdâhui porte cravate, exerce un poste dit à responsabilité et, peut-être, y fait, enfin légitimement, régner la même terreur sous des formes à peine plus subtiles.
Il nây a pas que la violence physique qui pose problème. La violence verbale marque probablement encore davantage. Je souhaiterais toutefois mâopposer à un discours convenu sur ce point, que je pourrais appeler celui de la condamnation. Selon cette thèse, la violence verbale serait portée par un certain nombre de termes tels que les insultes et menaces ; la politique prônée dès lors consiste à interdire ou vouloir interdire lâusage des termes en question. à mon avis, la violence verbale envers une personne avec autisme ou sans autisme ne tient pas à un nombre bien identifié de termes. Me proposer quand jâétais enfant de déjeuner chez des amis de mes parents était pour moi une bien plus grande violence verbale que de mâinsulter â les insultes en général mâamusent beaucoup. Dans ces conditions, la tentative, certes méritoire, de gérer cette violence envers les personnes « différentes » par lâéradication des termes impliqués risque non seulement dâéchouer, mais aussi dâentraver toute vie humaine. Il est selon moi bien plus important de donner à la personne autiste des compétences sociales pour mieux y faire face.
à lâadolescence, la puissance dâexclusion du verbe peut se loger dans un type particulier de langage ; lorsque vous ne lâutilisez pas, vous êtes totalement exclu. Si vous nâavez pas les mêmes centres de préoccupation que les autres, si vous ne connaissez aucun acteur ou actrice, si vous nâallez pas au cinéma, avoir des contacts sera difficile. Et de même si vous ne portez pas les marques à la mode. Plus vicieux â une chose que jâai eue du mal à comprendre : il ne sâagit pas uniquement dâacquérir des compétences nouvelles pour être inclus, mais également dâen supprimer certaines. Ainsi, plusieurs règles régissant lâexpression linguistique nâont plus cours. Jâai mis des années à comprendre, puis à hasarder dans mon propre langage un « ché
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