Je Suis à L'Est !
soleil nâapparaît jamais ? » La réponse attendue à lâécole est bien entendu le Nord. Pourtant, elle est fausse, puisquâelle ne prend en compte ni le soleil de minuit, ni même le cas de tout lâhémisphère Sud. Mais ce type de réponse, pourtant plus exacte, nâest pas admissible de la part dâun enfant de CE2 ou CM1, et donc considérée comme fausse. Et si vous insistez, on croira que vous dites nâimporte quoi pour dissimuler le fait que vous avez tort.
Prenons un autre exemple. En classe, assez tôt, on apprend à connaître les mots, jugés complexes, « horizontal » et « vertical ». Lors du contrôle, on nous présente un verre à moitié plein, en demandant si la surface de lâeau est, mettons, horizontale, verticale ou oblique. Que répondre ? Si elle était horizontale, comment les océans feraient le tour de la planète ? La liste serait longue, notamment si on y incluait les phrases à sens multiple en cours de français. Elle ne sert que dâillustration à un phénomène général : réussite scolaire et connaissances ne sont pas aussi étroitement liées quâon feint de le croire.
Apprendre les comédies sociales, ou lâenfer des sorties scolaires
Pourquoi dans ces circonstances aller à lâécole ? La question ne manquera pas de se poser. Surtout que, âgé de six ou sept ans, lâenfant comprend parfois, à sa grande terreur, que la maîtresse ignore le nom du successeur de Ramsès II et la magnitude de Sirius. Pourquoi donc lâécouter ? Le dilemme est souvent dâautant plus grave pour les parents que lâenfant avec autisme peut avoir le plus grand mal à comprendre que lâécole est là pour lui apprendre les règles sociales â ce truc qui rend vrais les énoncés faux sur le Nord et la surface de lâeau. Qui ajoute des règles non écrites au règlement scolaire, par exemple que lâécole sert à se trouver des amis, et non seulement à apprendre les maths ou le français.
En tout cas, en primaire comme au collège, personne ne voulait être assis à côté de moi. Gâcher sa réputation en étant assis à côté dâun monstre pareil. Jâose ajouter dès à présent que plus tard, en fin de lycée, pour dâincompréhensibles raisons, certains se bousculaient pour sâasseoir à côté de moi, notamment avec les examens de maths⦠Les équations sociales sont, quoi quâon en dise, les plus redoutables à résoudre et à comprendre.
Ce nâest rien à côté des activités extrascolaires, que lâon appelle les temps « forts », tant pis si vous ne comprenez pas cet usage de lâépithète. Ainsi, en fin de CM2, juste avant lâentrée au collège, un voyage scolaire dâune journée avait été prévu. Toute lâannée, plusieurs fois par jour, jây avais songé. Paniqué par ce quâil faudrait faire ou ne pas faire. Un état de stress difficilement imaginable pour les autres enfants, sûrement ravis de cette perspective â notons à ce titre que lâaptitude à comprendre les autres, censée être déficitaire chez les autistes, nâest pas nécessairement meilleure chez les personnes qui se jugent saines. Un voyage de fin dâannée signifie dâune part que lâannée est finie et dâautre part que le temps passé à lâécole est abrégé dâau moins un jour.
Sujet dâangoisse dâautant plus que je nâavais pas accès aux outils de planification dont je dispose actuellement : pour un tel voyage, je regarde aujourdâhui sur Internet, mâinforme sur le chemin à parcourir, tente de retenir les images des lieux. à lâépoque, non seulement Internet nâexistait pas, mais en plus on ne laissait pas un enfant planifier son voyage à la manière des professionnels du tourisme. Il est regrettable que, une fois de plus, ce soient les enfants, ceux qui ont le moins dâaptitudes sociales, que lâon expose aux plus fortes situations de stress en les privant dâune marge de manÅuvre nécessaire.
Plus fondamentalement, on peut se demander si un tel voyage, dans un tel cadre, câest-Ã -dire avec des
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