Je Suis à L'Est !
les dirigeants soviétiques, sur la technologie soviétique, sur les espions soviétiques⦠Aujourdâhui encore, je pourrais raconter des dizaines de blagues sur Brejnev. à lâépoque, les gens se tordaient de rire, même en France : Brejnev nây a jamais régné, mais les gens connaissaient, ou du moins se doutaient, de certaines pratiques. à un moment, Reagan était devenu lui aussi fan des blagues soviétiques. Il en racontait pendant ses meetings, même très sérieux. Les gens adoraient. Aujourdâhui, cela ne marche plus ; les gens ne savent même plus qui était Brejnev. Ils ne connaissent plus ces petites particularités qui faisaient quâon pouvait rire de lui. Quand je suis en présence de mes copines psychologues, mon répertoire de blagues est par conséquent fort restreint. Si je nây prends pas garde, et si jâessaie de leur raconter une petite blague dâépoque, elles le prennent pour un énième avatar du monologue pédant autistique. Heureusement que, vu mon âge, et vu que nous sommes amis de longue date, elles ne mâen tiennent pas rigueur. En revanche, je tremble en songeant à la situation où, gamin, jâaurais été amené en consultation et aurais voulu pour détendre lâatmosphère raconter une blague à ma sauce. Celle qui fait vraiment rire. Et celle qui, en fin de compte, fait douter de la répartition des rôles entre lâautiste et son sauveur.
Lâêtre humain est complexe
Parfois, quand jâutilise lâexpression « personne avec autisme », on me la reproche. On ne peut « avoir » lâautisme comme on a une montre, on peut « être » autiste. Câest donc un peu par provocation que je continue de dire « avec autisme », en lâalternant certes avec dâautres expressions. Non pas que je croie que lâon puisse avoir un jour lâautisme comme une valise (un parapluie, diront les psychanalystes et les amateurs de blagues psychanalysantes), et le ou la laisser le lendemain à la maison, mais parce que la simple allusion à cette possibilité met en lumière le fait que la personne, quoi quâil arrive, dépasse de sa valise.
En somme, je crois que lâêtre humain est très complexe. Que lâon ne peut jamais le décrire par un seul critère. Câest pour cela que je ne peux me définir par lâautisme ; lâautisme est une de mes particularités, comme, par exemple, le fait que je mesure environ 1,95 mètre. La seule grille de lâautisme, à supposer quâelle existe et soit unique, ne peut pas rendre compte de ma personnalité, comme elle ne rend compte de la personnalité de personne. Je me méfie des théories qui voudraient réduire lâêtre humain à un mécanisme dâhorlogerie. Je crois que lâêtre humain est beaucoup plus composite, en mouvement. Ne lâenfermons pas, ne nous enfermons pas dans une case. Il nous en manquerait une.
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