Je Suis à L'Est !

la main levée, vous interrompra pour corriger telle ou telle chose que vous avez dite, ou pour en rajouter. Et il ne pourra peut-être pas comprendre que le programme prévoit de traiter cela en une demi-heure, et pas en une année entière. L’Égypte était pour moi une obsession. Pendant quelques années, je n’avais en tête quasiment que ce pays, son histoire et la liste des pharaons des trente dynasties que je connaissais par cœur. Récemment, en marchant dans Paris, je me suis arrêté par hasard devant une vitrine ; avec un petit pincement au cœur, j’ai lu le nom d’un établissement privé de cours d’égyptologie. Tous mes souvenirs d’enfance sont remontés : il y a tant d’années, je leur avais écrit, mes parents me dictant la lettre, pour qu’ils m’envoient leur catalogue. Bien sûr je ne m’étais pas inscrit, faute d’argent. Se retrouver face à cet institut m’a procuré un vrai choc. Tout comme il y a quelques années quand de la même façon j’ai découvert la façade de la Maison de l’astronomie, rue de Rivoli, un établissement un peu mythique de mon enfance. Des « rencontres » dont je n’ai parlé à personne. Et qui disent mieux qu’une longue argumentation l’utilité des apprentissages personnels de l’enfant autiste. Même et surtout quand ils paraissent inutiles ou absurdes pour son âge.

    Apprendre à l’école, apprendre à la maison
    Lorsqu’il allait faire les courses, mon père m’emmenait souvent avec lui, profitant de ce moment pour m’exercer aux codes sociaux, sachant que lui faisait tout, et que je ne faisais que marcher derrière lui. Un jour, dans un supermarché, il m’acheta un petit livre d’astronomie. Je l’appris par cœur – il est aujourd’hui dans un état pitoyable tant je l’ai manipulé. Ma curiosité et ma passion pour l’astronomie, autant qu’il m’en souvienne, sont nées ce jour-là. Plus tard, un des collègues de mon père m’offrit un numéro du magazine Ciel et Espace . Ce fut le début d’une très longue période. Les premiers mois, je ne savais pas lire un magazine ; je l’appris donc par cœur, de la première ligne en haut à gauche de la première de couverture, jusqu’à la dernière lettre en bas à droite de la quatrième de couverture, publicités et code-barres compris. Ensuite, j’ai réalisé que l’on pouvait lire un numéro sans l’apprendre par cœur. Puis, un peu plus tard, j’ai encore compris qu’on pouvait commencer la lecture, par exemple, à l’article qui est en page seize et non pas forcément au début. Enfin, j’ai fini par comprendre la différence entre un article et une publicité. Toutes ces découvertes ont eu lieu très progressivement. Ciel et Espace est devenu bien plus qu’une passion : un véritable outil de création de ma personnalité. Et de socialisation. Socialisation d’abord virtuelle parce que, dans chaque magazine de passionnés, il est question de personnes concrètes, des événements qu’ils organisent, des dates de rencontres et de manifestations, des rendez-vous d’amateurs dont on peut ensuite lire les comptes-rendus, etc.
    J’ai ainsi découvert que des gens aiment se retrouver, qu’ils utilisent des termes spécifiques, et que chaque réunion ressemble à une sorte de rituel. Indirectement, de cette façon, j’ai appris des codes sociaux qui, autrement, me seraient apparu profondément lassants et sans intérêt. La magie de l’astronomie, science des astres lointains, pourrait être de réunir des gens sur cette terre.
    Peut-on dire que mon intérêt pour l’astronomie a favorisé ma scolarité ? Ce n’est pas une matière enseignée en primaire. Au-delà de ce cas particulier, je crois que l’évaluation du savoir à l’école est fort différente de ce qu’elle est dans d’autres contextes. Ainsi, en classe de CE2 ou CM1, on étudie les directions et points cardinaux, à savoir le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest. Lors d’un contrôle, nous devions répondre à la question suivante : « À quel point cardinal le