Je Suis à L'Est !
numéro un pour une personne autiste, ce sont assurément les changements par rapport à ce qui était prévu. Si on vous dit que le cours sâarrête à 10 heures, le fait que le prof parle encore à 10 h 02 crée une angoisse prodigieuse. Comment voulez-vous réagir ? De plus, vous êtes dans une situation de conflit entre deux règles : on vous avait dit quâà 10 heures il fallait sortir ou partir, et dâun autre côté vous avez lâautorité du prof qui vous dit, même indirectement, de rester. Comment pouvez-vous savoir à quelle heure il finira enfin de parler ? Les autres enfants devinent peut-être à la tournure des phrases que la fin est proche. Si on ne le ressent pas, quâil parle encore à 10 h 02 et sâarrête à 10 h 03, ou quâil continue de parler jusquâà 11 h 45, cela ne fait pas de différence sur le plan psychologique.
Supposons encore que vos parents vous disent : demain, nous allons visiter tel ou tel endroit, et que finalement on nây aille pas. Pour les parents, rien de plus naturel, parce quâhier ils avaient envie dây aller, et que, finalement, ils nâont plus envie, ou que la pluie est de la partie. Simple ajustement de programme, ce nâest même pas la peine dâen parler. Mais pour un enfant avec autisme, voilà une forme dâangoisse absolument majeure. Mes parents étaient très tolérants et en même temps ils me poussaient très fortement et en permanence à aller de lâavant avec plus ou moins de succès. Par rapport à lâénergie quâils avaient investie, le retour était particulièrement faible. Mais les parents nâont pas le choix, câest leur mission.
Au collège
La scolarisation des jeunes en situation de handicap suit la règle de la pyramide : un nombre assez appréciable dâélèves dans les premières classes, même sâil reste insuffisant par rapport à la population concernée, puis quasiment personne dans les classes ultérieures. Sans que lâon sache ou se préoccupe réellement de leur devenir. Le collège est, je crois, le maillon clé où la « disparition » a lieu. Alors même que, à mon avis, le potentiel des jeunes avec autisme y est précisément sur le point de pouvoir pleinement se manifester.
Si lâon essaie de dresser une liste de ce que le collège apporte, en bien ou en mal, par rapport au primaire, quelques points ressortent. Le premier point positif tient à ce que les choses deviennent globalement plus intéressantes. Autant dans le primaire les choses sont simplettes, sans intérêt, autant au collège on commence à avoir certains cours, notamment en quatrième, troisième, où, par moments, lâétincelle de la passion peut surgir. Les enseignants, quant à eux, sont plus spécialisés : si vous commencez à parler avec eux de ce qui vous passionne, avec un peu de chance une bonne réaction couronnera vos efforts de socialisation. Une fois, à la fin dâun cours, alors que jâétais seul avec elle dans la classe, ma prof de physique-chimie de terminale mâa proposé dâaborder, si je le souhaitais, des points au-delà du programme avec moi ; je nâai jamais profité de cette proposition, mais elle a su ainsi créer une complicité, du moins je le crois.
Il y a aussi les points négatifs. Le collège est beaucoup plus exigeant en matière de planification personnelle. à vous de gérer votre emploi du temps. De savoir vous servir dâune montre â ceci nâest pas une plaisanterie : même avec de bonnes connaissances techniques et des aptitudes « théoriques », une montre à aiguilles peut plus vous parler quâune montre avec affichage numérique, dâoù lâintérêt de tester différents types de montre avant de trouver celle qui convient. Dâavoir une petite idée du temps qui passe. De planifier mentalement ou sur papier les petits gestes adéquats : si vous avez cours à 8 h 10, à quelle heure fermerez-vous la porte de chez vous ? à quelle heure vous brosserez-vous les dents ? Combien de fois et à quelle heure vérifierez-vous que toutes les affaires sont dans le sac ? Et quelles sont les affaires
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