Je Suis à L'Est !

clichés ou de la construction sociale de genre. Ce peut être, pour les hommes, aimer le foot et les bagnoles, et boire de la bière. Là encore, il peut être compliqué de discerner ce qui relève d’un autisme théoriquement pur et parfait, et ce qui est issu de la marginalité de beaucoup de personnes autistes, le marginal respectant moins les codes sociaux.
    Toutefois, il demeure vrai que les personnes avec autisme ont souvent des difficultés à s’adapter, à inventer des solutions de comportement dans des situations imprévues. Vous êtes à la boulangerie, vous voulez acheter une baguette, il n’y en a plus, vous devez chercher immédiatement une alternative, avoir une réaction : cela est très compliqué. Quand j’étais en sixième, ma prof de français a un jour dépassé l’heure de fin de cours de quelques minutes. J’ai fondu en larmes. Elle est venue me voir, a tenté de me consoler, et m’a demandé pourquoi je pleurais. Quand je lui ai expliqué la cause de mon trouble, elle n’a pas dit un mot et elle est partie, sa tendresse maternelle envolée. Rétrospectivement, je pense qu’elle devait être fâchée.
    Typiquement, les enfants avec autisme peuvent dénoncer leurs camarades qui bavardent pendant les cours ou qui trichent pendant les contrôles. Ce n’est pas parce qu’ils ne les aiment pas ou qu’ils veulent être méchants avec eux. Il s’agit d’une simple application de la règle. La meilleure preuve en est que la même chose vaut pour la maîtresse ou les profs : lorsque le prof fait une erreur, il a droit à une correction aussi sévère que celle qui vaut pour les camarades de classe. Maintes anecdotes savoureuses pourraient être contées sur ce sujet. Simplement une, pour la route : alors que j’étais en classe de CM2, un inspecteur était venu dans notre classe. Les inspecteurs sont particulièrement craints de la part du corps enseignant, et notre prof nous avait donné des instructions très précises : nous devions être particulièrement sages et attentifs ce jour-là. Avant de repartir, l’inspecteur nous avait fait un petit discours, j’ai pris la parole et lui ai dit : « Monsieur, vous êtes dans l’erreur, vous n’êtes pas au courant des théories éducatives qui sont exposées… », et je n’ai pas pu continuer parce qu’il m’avait coupé la parole avec une violence invraisemblable. Un enfant n’est pas censé corriger le prof, alors un inspecteur… !
    Dans la gestion des imprévus, il ne saurait y avoir de solution pour tout, tant les situations imprévisibles sont nombreuses. Si un apprentissage est possible, il n’est jamais complet, il est toujours à poursuivre. On peut prévoir des « plans B », comme on dit. Si par exemple l’hôtel où j’ai réservé une chambre me dit que je ne peux pas y aller pour diverses raisons, je serai plus à l’aise si j’ai une autre solution déjà préparée. Le tout est de ne pas imaginer de scénarios alternatifs multiples pour les situations banales, faute de quoi on se perd en conjonctures, et on finit par vivre sur le mode du soupçon. Il y a un dosage à faire. Pour donner un exemple : il y a quelques années, j’avais volé par mégarde le rouge à lèvres de l’administratrice d’un organisme public, tout simplement parce qu’en arrivant avant le début de la réunion, à la place qui m’était dévolue, il y avait divers objets posés sur ma table, des petits cadeaux, des stylos et un rouge à lèvres. J’ai pensé qu’il faisait partie des cadeaux m’étant destinés. Je l’ai pris et mis dans mon sac. Quelques instants plus tard, à l’arrivée de l’administratrice, j’ai dû trouver une solution à une situation particulièrement embarrassante pour elle et encore plus pour moi.
    Autre exemple : les compliments. Vous devez à la fois réagir positivement, montrer à l’autre que vous n’êtes pas indifférent(e) à ses propos, tout en faisant preuve de modestie. Sans oublier de valoriser l’autre, parce que, en société, quand on fait un compliment à quelqu’un, en général on