Je Suis à L'Est !

transformer en femme. Le psychiatre qui l’avait soupçonné m’avait parlé lui-même du président Schreber. Il avait même téléphoné à un collègue pour lui faire part de ses inquiétudes.
    Le « psychiatre Risperdal » a été le premier, je crois, à prononcer les mots « syndrome d’Asperger ». En France, à l’époque, rares étaient les psychiatres qui connaissaient cette terminologie. Il m’envoya chez un collègue, qui établit un diagnostic plus solide. J’ai eu l’impression qu’il s’agissait d’un bon spécialiste, impression récemment confirmée par d’autres personnes. Pourtant, je ne suis allé chez lui que trois fois, parce que, pour prendre rendez-vous avec lui, il fallait téléphoner à sa secrétaire. Chose impossible pour moi à l’époque et encore bien difficile aujourd’hui. Il ne faut pas croire que le fait que le diagnostic soit posé arrête en soi la séquence ou la spirale. Loin de là. Du moins dans mon cas.
    Après mon diagnostic, comme si j’étais concerné par une maladie mentale de type schizophrénie, j’ai continué à prendre des neuroleptiques pendant environ deux ans, le temps que je comprenne que je pouvais dire « non » à tel psychiatre et oser le faire. C’est un long processus. Malheureusement, je n’avais aucun médecin qui m’aidait dans ce petit cheminement. Avoir un diagnostic permet de comprendre certains éléments, comme le fait que je n’avais pas les mêmes centres d’intérêt que tout le monde. Les autres vont au cinéma le week-end, par exemple, ou finissent en couple très rapidement. Moi non. J’ai commencé à avoir des réponses à mes questions, compris des choses de mon enfance, pourquoi je ne fonctionnais pas de la même manière en cours de récréation…
    Mais finalement, chaque personne, avec autisme ou pas, est unique. Nous avons toujours nos particularités de pensée, notre caractère.
    Peut-être que j’ai encore de multiples maladies et que les spécialistes pourraient élaborer de nouveaux diagnostics ? En tout cas, après les psys, me revoilà Gros-Jean comme devant.
    Â 
    1 . Voir p. 190.

    2 . Appartenant aux molécules prescrites en psychiatrie, le Solian est un médicament atypique car, en fonction des doses employées, il peut être utilisé comme neuroleptique ou comme antidépresseur.

    3 . Le président Schreber était un magistrat célèbre en Allemagne pour ses délires psychotiques qu’il a racontés dans un ouvrage autobiographique, Mémoires d’un névropathe . En 1893, il est nommé président de chambre à la cour d’appel de Dresde. Victime d’insomnies qu’il attribue dans un premier temps à un surmenage, il est rapidement contraint d’entrer en maison de santé. L’année suivante, il se présente aux élections à l’Assemblée nationale allemande. À la suite de son échec, il fait une tentative de suicide. Quelques mois plus tard, en proie à de nombreuses hallucinations, il est suspendu de ses fonctions, mis sous tutelle et placé dans une clinique spécialisée pour malades mentaux. Il meurt à l’asile en 1911.

    4 . Antipsychotique utilisé pour le contrôle des symptômes des psychoses aiguës.

    5 . Autre médicament de la famille des antipsychotiques qui est censé agir comme régulateur de l’humeur.

    6 . Antipsychotique appartenant à la famille des neuroleptiques de deuxième génération.

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    L’autisme, c’est quoi ?
 « Bienheureux les fêlés
 car ils laissent passer la lumière 1  »
    Il était indispensable, malgré mes réticences, de consacrer un chapitre à la grande question : « L’autisme, c’est quoi ? » Un chapitre prudemment placé dans le ventre mou du livre, que le lecteur, commençant à la première page, n’atteindra probablement pas lucide. Et de même pour celui qui, comme moi parfois, lit les livres à l’envers, à partir de la dernière page. Un chapitre fait de mots-clefs sans ordre apparent – mais y a-t-il un ordre systématique dans la prise en compte, dans les spécificités de