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Je Suis à L'Est !

Je Suis à L'Est !

Titel: Je Suis à L'Est ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Josef Schovanec
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l’autisme ? 1
    Plusieurs réserves introductives, et qui ne sont pas que d’usage, doivent être faites. Comme je le répéterai plus loin, mais le lecteur l’a déjà deviné, je suis un charlatan en matière d’autisme. N’étant pas spécialiste et ne pouvant donc faire de doctes discours sur le sujet, une solution de repli aurait pu être de parler de moi, une fois de plus, en espérant que d’autres retrouvent tel ou tel trait en commun avec la situation vécue de leur côté. À ceci près que rien n’indique que j’incarne l’autisme d’une manière spécifique. Quand des parents, à la fin d’une conférence, viennent gentiment me voir et me disent que leur enfant a des points communs avec moi, je me dis mentalement « pauvre petit ». Heureusement que chacun est, en fin de compte, assez différent.
    Ami lecteur, gardez ce fait à l’esprit. À plus d’un moment, quand on parle de l’autisme, on se sent nécessairement concerné. N’en soyez donc point effrayé. Si vous vous reconnaissez dans une ou deux histoires, soyez-en aise, ne dépensez pas votre argent en courant chez votre pédiatre, seul à même de s’attaquer aux psychoses infantiles. Encore moins chez le vétérinaire.
    La prison intérieure
    L’une des définitions les plus anciennes et les plus récurrentes de l’autisme tient à l’analogie avec une prison intérieure. Ou forteresse vide, pour les amateurs d’histoire de la psychiatrie. Des variantes existent, par exemple avec la question, diagnostic ultime, posée par ce psychiatre à l’un de mes amis : « Quand vous marchez dans la rue, est-ce que vous vous sentez sur une île déserte ? » Réponse : « Non. » Conclusion : « Donc vous n’êtes pas autiste, au revoir. » Encore faut-il ne pas confondre l’autisme avec un fantasme de lieu de villégiature – obtenu d’ailleurs peut-être grâce à l’argent dudit autiste.
    Plus sérieusement, je me demande quelle est la prison intérieure des gens en général. Je connais des personnes qui passent pour parfaitement normales, qui vont travailler le matin, restent au bureau le soir jusqu’à je ne sais quelle heure, puis prennent le métro, rentrent chez elles, regardent la télé pendant une heure, se font à manger, se couchent, avant de recommencer le lendemain. Quand on entame une conversation avec elles, il y a peut-être deux ou trois sujets à aborder, et en dix secondes on est déjà parvenu au bout de leurs convictions. Par exemple, elles soutiennent tel ou tel club de foot, votent pour tel ou tel parti. Quand on essaie de leur demander pourquoi, elles répondent : mais tu vois bien que l’autre, c’est un imbécile ! Lui, il va gagner, c’est évident, vous avez vu comme l’autre est nul ! Ces gens-là sont considérés comme normaux et libres. Si on prend la peine de regarder honnêtement les personnes avec autisme, je crois qu’elles manifestent pour beaucoup, sur un bon nombre de points, une plus grande souplesse que ces autres personnes.
    Bien entendu, j’ai un certain monde intérieur que je ne partage pas. Et surtout pas avec quelqu’un qui me fait violence, par exemple un psychiatre qui me demande toutes les quinze secondes : « À quoi pensez-vous ? » Je crois que ceci est heureux. Chaque être humain a son univers, son monde intérieur, et s’il ne l’avait pas ce serait extrêmement triste. Il est toutes sortes de tentatives dans notre monde moderne de mettre fin à ce jardin intérieur, une pression publicitaire, médicale, économique de supprimer cette parcelle non productive, cette perte de temps, cette anomalie. Je trouve assez désastreux ses effets ultimes.
    En arrivant ici, à Samarkand, pour la première fois, on est souvent frappé, comme en d’autres lieux loin de l’Occident, par la présence inactive de beaucoup de gens, personnes âgées ou autres, qui méditent, assis pendant de longues heures dans les recoins des rues ou les cafés. Faut-il les interner ? Celui qui avait dit, lors d’un colloque à Rabat, que jadis le but de la vie était de transmettre les poèmes hérités de nos

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