Je Suis à L'Est !
prédécesseurs, faut-il lâembastiller dans la forteresse ?
Un livre de la Renaissance sâintitule Le Labyrinthe du monde et le Paradis du cÅur . Le titre reflète bien le contenu de lâouvrage. Au-delà de la beauté de la formule, câest lâhistoire dâun jeune à la fois naïf et avide de découvrir le monde. On le fait voyager partout. à la fin, lâaboutissement nâest pas un retour dans la gloire, à la Marco Polo. Le voyage, dans son issue ultime, plonge dans lâintériorité. Le roman dâapprentissage au sens que donnait le XIX e  siècle au terme est bien loin.
Et pourtant. Lâauteur, Comenius, était bien plus révolutionnaire quâun Balzac ou même un Zola. Grand humaniste de la Renaissance, Comenius a passé sa vie à voyager en Europe. Il a aussi été lâinventeur dâune méthode pédagogique nouvelle : tandis quâà lâépoque on frappait les enfants pour leur faire apprendre le latin, il a démontré que les enfants apprennent plus facilement par le jeu. Pire encore, il a prôné la même éducation pour les filles. Le latin pour les filles, quelle idée ! Je ne peux donc considérer que le fait dâavoir une vie intérieure soit un problème ou un souci. Le souci est plutôt, hélas, la vie extérieure.
La règle, câest la règle : légalisme, imprévus, routines
On dit souvent que les personnes avec autisme ont une grande rigidité, quâelles expriment par la formule : « La règle, câest la règle. » Soit dit en passant, le sens de cette expression requiert une explication pour comprendre que lâon sous-entend par là que la personne qui lâénonce tient à une application stricte des règles. Faute de quoi, elle peut nâêtre perçue que comme une tautologie, du type « un célibataire est un célibataire ». Lorsque de Gaulle sâécriait « lâennemi est bien lâennemi », il a certes mobilisé ses troupes, mais il nâa probablement pas été suffisamment clair quant à ses présupposés sociaux pour un éventuel auditeur avec autisme.
Pour en revenir au fond, je crois que la rigidité des personnes avec autisme, si elle peut être effectivement constatée dans nombre de situations, nâest pas absolue. Des études montrent que, dans certains domaines, les personnes avec autisme ont tendance à être beaucoup moins rigides que les autres. Lâun des cas que lâon peut citer, qui me concerne personnellement, est lâappartenance nationale. Jâai toujours beaucoup de mal à comprendre ce que peut représenter le fait dâêtre allemand ou belge. Cela me paraît bien trop abstrait. Ãtre indonésien peut être plus difficile à imaginer du fait de la différence radicale de culture et dâapparence physique, mais, par exemple, si on me le demandait et me permettait de lâêtre sans difficultés, devenir ou me faire passer pour estonien sur-le-champ ne me gênerait guère. Il est manifeste que, dans ce cas particulier, lâhistoire personnelle joue en plus de lâautisme ; toutefois, eu égard à la complexité de lâêtre humain, il est quasiment impossible dâisoler lâinfluence « pure » du facteur autisme. Dans mes moments de déprime, je me sens apatride ; dans mes moments de manie, citoyen du monde. Le pire, ou le mieux, est que je ne sais pas comment il faut prononcer « correctement » mon nom de famille et mon prénom : cela dépend de mon interlocuteur. Quand jâai affaire à une personne qui parle une autre langue que le français, mon nom et mon prénom sont prononcés autrement. Je nâessaie pas de lui demander dâappliquer la prononciation française. Alors même que jâai remarqué, à ma vive surprise dâailleurs, que beaucoup de gens étaient très susceptibles quant à la prononciation de leur prénom. Que vous mâappeliez Josef, Djozef, Yossef, ou encore Youssouf, tant que je reconnais que câest moi, il nây a pas de problème. Tout comme on pourrait également convenir de mâappeler Stéphanie.
Autre particularité sur laquelle les personnes avec autisme sont souvent plus souples : ce qui relève des
Weitere Kostenlose Bücher