Je Suis à L'Est !
attend un retour. De même pour les cadeaux. On mâavait appris des phrases toutes faites comme : « Merci, tout cela est grâce à vous, et ensemble nous ferons encore mieux la fois prochaine. » La difficulté est quâil faut dire ces phrases sur un ton convaincant, ne pas utiliser deux fois la même avec la même personne, et ainsi de suite. à ce titre, je trouve délicieuse lâhistoire que mâa racontée le papa dâune jeune fille avec autisme. Comme tout bon parent, il essaie de la pousser vers dâautres découvertes et dâaméliorer ses compétences sociales, et pour cela lui fait des compliments : « Très bien ! Super ! Tu as bien réussi ! Tu es quelquâun de brillant ! » Un jour, sa fille lui réplique : « Papa, tu lâas déjà dit hier ! » En soi, rien de plus compréhensible. Si on dit à son partenaire « je tâaime », pourquoi le répéter demain ou dans un an, puisque câest valable tant quâon nâa pas dit le contraire ? Il faut savoir que parfois les compliments sont trompeurs, servent à induire lâautre en erreur ou à le manipuler. Ainsi, dans les magazines féminins â pour lesquels jâai vaguement travaillé à une époque â, on explique comment faire en sorte que votre mari fasse le ménage ; lâune des méthodes souvent proposées est de faire usage de flatteries. La flatterie, dans ce cas-là , est intéressée, voire mensongère. Dans les faits, il en est souvent ainsi dans le travail : des patrons manifestent de façon ostentatoire leur amitié pour un collaborateur, et juste après cela, lui donnent du travail, quâil sâempresse de faire, fier de la haute estime dans laquelle il est tenu.
Un autre volet de ce que lâon nomme rigidité des personnes autistes tient à la routine que souvent elles aiment suivre, qui est rassurante, évite dâavoir à se poser des questions. Au moment de vous habiller, si vous choisissez toujours la première chemise, votre lever sera facilité. Et si vous savez quâaprès le choix de la chemise vous avez telle autre chose à faire, vous avez un algorithme rassurant. Toujours dans les magazines féminins, des modes dâemploi vous indiquent comment raviver la flamme dans votre couple, comment le ou la surprendre. Pourquoi donc vouloir surprendre la personne aimée, lui causer stress et désagrément ? Pour des personnes avec autisme, ce qui est souvent bien plus plaisant est la régularité, la routine, la prévisibilité.
Les contacts avec lâaltérité
Il peut être à première vue contre-intuitif de dire que le contact avec lâaltérité peut être plus simple que le contact au sein du groupe social familier. Pourtant, ce nâest pas toujours le cas. Ainsi, le voyage peut assurément être une source de stress. Toutefois, ce dernier peut être relativisé par le fait que si, en France, je fais une gaffe et passe alors pour quelquâun de bizarre ou dâautiste, dans un lointain pays on ne prendra pas cette gaffe aussi mal, et on lâattribuera à mon origine étrangère. Par exemple, récemment, en allant faire quelques courses alimentaires dans un magasin vendant notamment des plats ouïgours, je nâai pas eu la bonne salutation face au patron. Ce dernier, loin de se départir de son calme, a fait venir son fils, qui parle anglais â à mon regret dâailleurs, car je voulais éviter de parler anglais. Ãtre étrange quand on est étranger, rien de plus naturel, en somme. Pour prendre un autre exemple : souvent, dans la cour de récréation, les enfants avec autisme arrivent à établir un contact seulement avec des enfants radicalement différents dâeux : les garçons avec les filles ou les filles avec les garçons, ce qui, au primaire, normalement, nâest pas la norme. Concrètement, si vous êtes un garçon avec autisme, que vous allez dans un groupe de filles et que vous faites une petite gaffe, cela posera moins de problèmes parce que les filles diront : « Câest normal, ce nâest quâun garçon ! Il faut lui expliquer. » Mieux : si elles discutent maquillage par exemple, et que vous nây comprenez
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