Je suis né un jour bleu
ses cours. La salle de
musique était remplie d’instruments utilisés par l’école pour ses différents
spectacles pendant l’année, dont des cymbales, des tambours et un piano. Il m’expliqua
de quelle manière les touches du piano produisent des sons différents et me
montra des morceaux simples à jouer. J’aimais aller dans la salle de musique et
m’asseoir au piano pour essayer les touches. J’ai toujours aimé la musique, parce
qu’elle apaise toutes mes angoisses et me donne une sensation de calme et de
paix.
Des sentiments de grande anxiété étaient
courants pour moi quand j’étais à l’école. La simple annonce d’un événement
organisé et auquel chacun devait participer me rendait nerveux, de même que les
changements dans la routine de la classe. La prévisibilité était importante
pour moi : c’était une façon d’avoir le contrôle sur une situation donnée,
un moyen de tenir en échec l’anxiété, au moins temporairement. Je n’étais
jamais à l’aise à l’école et je me sentais rarement heureux, sauf quand on me
laissait m’occuper tout seul. Les maux de tête et de ventre étaient souvent le
signe de ma grande tension. Parfois, c’était si fort que je ne pouvais même pas
entrer dans la classe, comme lorsque j’avais quelques minutes de retard et que
je réalisais que les élèves étaient déjà sous le préau, pour le rassemblement
du matin. Terrifié à l’idée de traverser le préau tout seul et ne voulant pas
attendre la sortie bruyante des enfants pour retourner en classe après, je
rentrais tout droit à la maison et me réfugiais dans ma chambre.
Le jour du grand tournoi sportif de l’école [11] était la source d’un stress considérable. Je n’ai jamais eu envie
d’y participer et mon intérêt pour le sport approchait de zéro. Ce jour-là, il
y avait une multitude de spectateurs qui hurlaient en regardant les épreuves de
course en sac ou la course de l’œuf dans la cuillère. Le mélange de la foule et
du bruit (qui s’ajoutait souvent à la chaleur estivale), voilà qui était trop
pour moi. Mes parents me permettaient souvent de rester à la maison plutôt que
de me voir fondre au soleil. Quand je me sentais dépassé par une situation, je
pouvais devenir très rouge et frapper très fort le côté de ma tête jusqu’à ce
que cela fasse vraiment mal. Je ressentais une telle tension à l’intérieur de
moi qu’il fallait que je fasse quelque chose, n’importe quoi, pour l’extérioriser.
C’est ce qui arriva un jour, pendant une
leçon de science. Mr. Thraves avait aidé un élève à préparer une expérience
avec une boule de pâte à modeler suspendue au bout d’un fil. Cette vision inhabituelle
me fascina et – ignorant qu’il s’agissait d’une expérience en cours
– j’allai toucher et manipuler la pâte avec mes doigts. À ce moment, mon
instituteur, ennuyé par mon intervention injustifiée (du moins est-ce ce qu’il
pensait), me dit de m’en aller. Déstabilisé, ne sachant pas pourquoi je me
faisais rabrouer, je m’énervai. Je sortis de la classe en claquant la porte
derrière moi avec une telle force que la vitre se brisa. Je me souviens encore
des cris des enfants derrière moi alors que je quittais la pièce. À la maison, mes parents m’expliquèrent
que je devais vraiment essayer de ne pas réagir ainsi. Il leur fallait
maintenant aller voir le directeur, écrire une lettre d’excuses et payer le
coût du remplacement de la vitre brisée.
Pour mieux gérer mes émotions, mes
parents eurent l’idée de m’apprendre à sauter à la corde. Ils espéraient que
cela pourrait développer ma coordination et m’encourager à passer plus de temps
dehors, hors de ma chambre. Avec quelques efforts, je fus bientôt capable de sauter
à la corde durant de longues périodes, pendant lesquelles je me sentais un peu
mieux et un peu plus calme. En sautant, je comptais chaque tour de corde et visualisais
la forme et la texture des nombres que j’imaginais.
Les travaux d’arithmétique que l’on nous
donnait en classe me désorientaient à cause des différents chiffres qu’on
écrivait tous de la même façon, en noir. Il me semblait que les sujets étaient
couverts d’erreurs. Je ne comprenais pas, par exemple, pourquoi 8 n’était pas
plus grand que 6, ou pourquoi 9 était imprimé en bleu plutôt qu’en noir. J’en
déduisis que l’école avait imprimé trop de 9 dans ses précédents exercices
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