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Je suis né un jour bleu

Je suis né un jour bleu

Titel: Je suis né un jour bleu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Tammet
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et
qu’ils n’avaient plus l’encre correspondante. Quand j’écrivais mes réponses, mon
instituteur se plaignait que mon écriture soit confuse et irrégulière. Il me
dit d’écrire les nombres tous de la même façon. Je trouvais que c’était mal les
écrire et je n’aimais pas ça. Aucun autre enfant ne semblait s’en émouvoir. C’est
seulement à l’adolescence que je réalisai que mon expérience des nombres était
très différente de celle des autres enfants.
    Je finissais toujours mes calculs bien
avant les autres enfants de la classe. Avec le temps, cette avance devint
considérable : j’avais terminé le livre d’exercices. On me demandait
pourtant de rester assis à ma table, calme, pour ne pas déranger les autres pendant
qu’ils finissaient leur devoir. Alors, je mettais ma tête dans mes mains et je
pensais aux nombres. Parfois, absorbé dans mes pensées, je me mettais à
chantonner doucement, sans réaliser ce que je faisais, jusqu’à ce que l’instituteur
vienne me voir pour que cela cesse.
    Pour tuer le temps, je créais mes propres
codes, en remplaçant les lettres par des nombres. Par exemple, « 24 1
79 5 3 62 » cryptait le mot Daniel . Dans ce cas précis j’avais
réuni les lettres de l’alphabet par paires – (ab), (cd), (ef), (gh), (ij) etc.
– et j’avais donné à chaque paire un numéro de 1 à 13 : (ab) = 1, (cd) = 2,
(ef) = 3, (gh) = 4, (ij) = 5, etc. Il restait alors à établir une distinction
entre chaque lettre de la paire. Ce que je faisais en adjoignant un nombre au
hasard si je voulais la seconde lettre de la paire. Sinon, j’écrivais juste le
numéro de la paire. Ainsi « 24 » signifiait la seconde lettre de la
deuxième paire, d , quand « 1 » représentait la première lettre
de la première paire, a .
    Après avoir demandé la permission à l’instituteur,
je rapportais souvent le livre d’exercices à la maison, après l’école. Je m’allongeais
à plat ventre sur le sol de ma chambre avec le livre ouvert devant moi et je faisais
des opérations pendant des heures. Une fois, mon frère Lee était dans la
chambre en train de me regarder. Sachant que j’aimais multiplier un nombre par
lui-même, il m’en donna quelques-uns à faire, vérifiant le résultat à l’aide d’une
calculette. 23 ? 529, 48 ? 2304, 95 ? 9 025. Puis il me proposa
une opération bien plus compliquée : 82 x 82 x 82 x 82 ? Je réfléchis
pendant une dizaine de secondes, mes mains crispées l’une sur l’autre et ma
tête remplie de formes, de couleurs et de textures. « 45 212 176 »,
répondis-je. Mon frère ne dit rien et je levai les yeux. Son visage était
différent : il souriait. Lee et moi n’avions jamais été proches jusqu’à ce
moment-là. C’était la première fois que je l’ai vu me sourire.
    Le dernier été à Dorothy Barley, les
instituteurs organisèrent un voyage d’une semaine pour certaines classes, dont
la mienne, à Trewern, un centre d’hébergement en plein air, dans la campagne, à
la frontière entre l’Angleterre et le pays de Galles. Mes parents pensaient que
ce serait une bonne occasion pour moi de faire l’expérience d’un environnement
différent pendant quelques jours. Un long bus brillant avec un chauffeur qui
sentait le tabac vint chercher les enfants et les instituteurs. Mon père m’avait
aidé à faire une valise de mes vêtements et de mes livres pour le voyage et
vint me voir partir.
    Au centre, les enfants furent répartis en
petits groupes et l’on attribua à chacun un petit chalet pour la semaine. Chaque
chalet avait juste assez de place pour des lits superposés, un lavabo, une
table et des chaises. Je détestais être loin de la maison parce que tout était
confus et que je trouvais difficile de gérer des changements trop nombreux. On
voulait que nous nous levions très tôt  – à environ 5 heures tous les
matins  – pour courir autour du champ en T-shirt
et en short. J’avais toujours très faim car le centre ne semblait pas avoir la
nourriture que je mangeais à la maison, comme les céréales Weetabix ou les
sandwiches au beurre de cacahuète. J’avais également peu de temps pour moi, car
nous étions supposés prendre part à des activités collectives tous les jours.
    La promenade en poney était l’une de ces
activités, organisée par les écuries locales. On nous montrait comment monter
un poney et nous partions faire une balade sur les sentiers de la région,

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