Je suis né un jour bleu
accompagnés
par un guide. Je trouvais très difficile de garder mon équilibre sur un poney
et je ne cessais de glisser de ma selle, de sorte que je m’accrochais aux rênes
pour ne pas tomber. L’une des propriétaires des écuries me vit et se mit très
en colère. Elle me cria dessus. Elle aimait passionnément ses poneys, mais je
ne comprenais pas, à ce moment-là, ce que j’avais fait de mal. J’étais
bouleversé. Je ne savais pas que tenir mes rênes aussi court pouvait blesser la
bouche de l’animal. Après cela, je battis de plus en plus en retraite, passant
le plus de temps possible tout seul dans le chalet.
Il y eut d’autres activités collectives, dont
la visite d’une grotte. Il faisait noir partout, nous devions donc porter des
casques avec une lampe dessus. La caverne était froide, humide et limoneuse et
je fus content d’en sortir par un pont en rondins au-dessus d’un ruisseau. Alors
que je progressais lentement sur le pont, un des garçons du groupe courut en
sens inverse en riant et me poussa si fort que je tombai dans l’eau. Le choc me
rendit silencieux pendant un long moment et je restai assis dans le ruisseau, les
vêtements trempés et collés à la peau. Puis je sortis de l’eau et rentrai tout
seul dans le chalet, le visage cramoisi, tentant désespérément de ne pas pleurer
à cause de cette perte de contrôle. S’investir était un problème parce que j’étais
différent et solitaire. Certains des enfants me houspillaient ou me taquinaient
parce que je n’avais pas d’amis. Heureusement, ils finissaient toujours par s’ennuyer
et par partir parce que je refusais de me battre avec eux. De telles
expériences renforçaient mon impression d’être d’ailleurs et de ne pas faire
partie de ce monde-là.
Un grand événement survint à Trewern. À
la fin du séjour, les travailleurs du centre remettaient des prix d’excellence
aux différents groupes. Le mien reçut celui du chalet le plus propre.
Ça a toujours été bon d’être à la maison.
Je m’y sentais en sécurité et apaisé. Il n’y avait tout simplement aucun autre
endroit qui me faisait éprouver la même chose – à part la bibliothèque
locale. Depuis que j’ai été capable de lire, j’ai forcé mes parents à m’emmener
tous les jours à la porte de ce bâtiment aux murs émaillés de graffitis, avec
des pièces remplies d’étagères de livres pour enfants recouverts de plastique
et classés selon un code couleur – sans compter les chaises colorées dans
les coins. J’allais à la bibliothèque tous les jours après la classe, et
pendant les vacances, peu importait le temps qu’il pouvait faire. J’y restais
des heures, souvent jusqu’à la fermeture. La bibliothèque était bien tenue, calme
et ordonnée, ce qui me procurait toujours un sentiment de satisfaction. Les encyclopédies
étaient les livres que je préférais, bien que lourdes à porter, et bien qu’il
faille s’asseoir à une table, en face d’un autre enfant. J’adorais apprendre
différentes choses, comme les noms des capitales du monde, et faire la liste
des noms et des dates des rois et des reines d’Angleterre, ou des présidents
des États-Unis – et d’autres futilités du même genre. Les bibliothécaires
s’habituèrent à mon apparition quotidienne et discutaient avec mes parents
pendant que je lisais. La bibliothécaire en chef fut suffisamment impressionnée
par mon assiduité pour me proposer de participer à un concours de lecture. Ce
fut moi le vainqueur : mes efforts et mes exploits étaient enfin reconnus.
Le maire de la ville me remit le prix – en l’occurrence, un trophée
– au cours d’une courte cérémonie à l’hôtel de ville. Quand je vins
chercher mon trophée, le maire s’inclina pour me demander mon nom, mais je ne l’entendis
pas. Je ne dis rien parce que j’étais trop occupé à compter les maillons de la
chaîne qu’il portait en tant que représentant de la municipalité – et je
ne suis pas très bon quand il s’agit de faire plus d’une chose à la fois.
5
BIZARRE, CELUI-LA !
Je me souviens : je suis debout, tout
seul, à l’ombre des arbres qui entourent la cour de l’école, regardant les
autres enfants qui courent, qui crient et qui jouent. J’ai dix ans et je sais
que je suis différent d’eux, d’une manière que je ne peux exprimer ni
comprendre. Les enfants sont bruyants et bougent rapidement, se heurtent et se
poussent. Je suis
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