Je suis né un jour bleu
participer. Après avoir vu ma
mère faire du repassage, je sortis tous mes vêtements des tiroirs et les portai
en bas dans le salon. Ma mère accepta de me donner le fer une fois éteint et
refroidi, et je m’appliquai à passer le fer sur mes vêtements, un par un. Mes
frères et sœurs qui m’observaient me demandèrent s’ils pouvaient jouer avec moi.
J’avais vu ma mère vaporiser d’eau certains vêtements avant de les repasser :
je dis à Claire de prendre le pulvérisateur de ma mère. À Lee je demandai de venir
près de moi et de plier les vêtements. Steven, qui avait 4 ans, devait, lui, faire
les piles : une pour les T-shirts, une pour les pantalons, etc. Quand nous
fûmes à court de munitions, je dis à Steven de tout déplier et de donner les
vêtements à Claire pour qu’elle vaporise de l’eau à nouveau, puis je les
repasserais encore une fois, Lee les plierait et Steven en ferait des piles, et
ainsi de suite… À une certaine époque, nous jouions pendant des heures au jeu
du repassage.
Un autre jeu avec mes frères et sœurs
consistait à mettre tous les livres de la maison – il y en avait des
centaines – dans la plus grande chambre, celle des filles. Alors je
séparais la fiction des essais, puis je faisais des piles selon les sujets :
histoire, romans d’amour, romans d’aventure… Ensuite, je rangeais les livres
par ordre alphabétique. Je découpais des feuilles de papier en petits carrés
pour écrire les références de chaque livre à la main : titre, nom de l’auteur,
année de publication et catégorie (essai > histoire > D). Je mettais les
livres dans des boîtes que je disposais tout autour de la pièce pour que mes
frères et sœurs les feuillettent ou les lisent. Quand l’un d’entre eux voulait
emprunter un livre et le sortir de la chambre, je prenais le ticket avec les
références et je le mettais dans un bocal. En échange, je lui donnais un autre
bout de papier où j’avais écrit la date à laquelle il fallait le rendre. Pendant
les vacances d’été, mes parents nous autorisèrent à garder les livres dans les
boîtes avec leurs tickets. À d’autres moments nous
avons dû enlever tous les tickets à la fin du jeu et remettre les livres en
place sur les étagères et les tables de la maison.
Parfois, quand je jouais avec mes frères
et sœurs, j’allais vers eux pour leur toucher le cou avec mon index parce que j’aimais
cette sensation chaude et rassurante. Je ne comprenais pas que cela puisse les
ennuyer ou sembler hors de propos. Ce ne fut que lorsque ma mère me demanda d’arrêter
que je cessai, même si, occasionnellement, je touchais toujours le cou d’une
personne quand j’étais très excité. Car le toucher était une façon pour moi de
communiquer cette excitation aux autres. Je trouvais difficile de comprendre
cette notion selon laquelle les gens avaient un espace propre qu’il fallait
respecter en toutes circonstances. Je n’avais pas l’idée que mon comportement
puisse être irritant ou envahissant, et j’étais blessé qu’un de mes frères ou
qu’une de mes sœurs puisse s’énerver sans raison – du moins pour moi.
Il y avait beaucoup de choses que je
trouvais difficiles, comme me brosser les dents. Le son rêche des dents que l’on
brosse m’était physiquement pénible et quand je passais près de la salle de
bain, il fallait que je me bouche les oreilles et que j’attende que le bruit s’arrête
avant de faire autre chose. Au vu de cette sensibilité extrême, je me brossais
les dents très rapidement, et souvent parce que mes parents m’y forçaient. J’ai
eu la chance d’avoir rarement mal aux dents, probablement en grande partie
parce que je buvais beaucoup de lait et que je ne mangeais que peu de choses
sucrées. Le problème persista quelques années et ce fut l’occasion de
fréquentes disputes avec mes parents. Ils ne pouvaient pas comprendre pourquoi
je ne voulais pas me brosser les dents. Il leur fallait me supplier et aller
jusqu’à m’apporter ma brosse à dents et le dentifrice dans ma chambre. Et ne
pas me quitter avant que je les aie utilisés. Ce fut au début de la puberté que
je compris qu’il fallait que je trouve un moyen de me brosser les dents
régulièrement. Mes frères et sœurs, ainsi que les enfants de l’école, avaient
remarqué que mes dents étaient jaunes et me taquinaient à ce sujet. Du coup, je
n’osais plus ouvrir la bouche pour parler à cause des moqueries.
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