Je suis né un jour bleu
disparut une dernière
fois. Je pleurai jusqu’à l’épuisement, et mon chagrin dura plusieurs jours. Elle
m’était très proche et je savais que je ne l’oublierai jamais.
Avec le recul, Anne était la
personnification de mes sentiments de solitude et d’incertitude. Elle était le
produit de cette part de moi qui voulait affronter mes limites et m’en libérer.
En la laissant partir, je prenais la pénible décision d’essayer de trouver ma
voie dans le vaste monde et d’y vivre.
~
Alors qu’après l’école les autres enfants
allaient dans les rues et dans les parcs pour jouer, je me contentais de rester
dans ma chambre, à la maison. Je m’asseyais sur le sol et je m’absorbais dans
mes pensées. Parfois je jouais à une forme simple de réussite, où chaque carte
avait une valeur numérique : l’as valait 1, le valet 11, la reine 12, le
roi 13, et les autres cartes selon le chiffre qu’elles portaient. Le but du jeu
était de sauver le plus de cartes possible. Au début, il fallait battre les
cartes et puis en tirer quatre pour former une pile. Si, après la première
carte, la valeur totale des cartes de la pile était, à un moment quelconque, un
nombre premier, alors les cartes étaient perdues. Comme dans beaucoup de formes
de réussite, il y avait un élément de chance.
Imaginons que les quatre premières cartes
soient : 2, 7, roi (13), 4. La pile est alors sauvée, car 2 + 7 = 9, qui n’est
pas premier, 9 + 13 = 22, qui n’est pas premier, et 22 + 4 = 26, qui n’est pas
premier non plus. Le joueur décide alors s’il se risque à tirer une autre carte
ou s’il commence une nouvelle pile. Si le joueur décide de ne pas se risquer à
tirer une carte, alors la pile est sauvée et mise de côté. Si le joueur se
risque à une autre carte et que le total est un nombre premier, alors toute la
pile est perdue et on recommence. Le jeu se termine quand les cinquante-deux
cartes du jeu ont été tirées, certaines perdues, certaines sauvées. Le joueur
calcule alors la somme totale des cartes sauvées et obtient son score final.
Je trouvais cette réussite de mon
invention fascinante – parce qu’elle mettait en jeu et les mathématiques
et la mémoire. Une fois que le joueur avait sa pile de quatre cartes qui n’avait
pas formé de nombre premier, la décision de tirer ou non une nouvelle carte dépendait
de deux facteurs : la valeur totale des cartes à ce moment-là et la valeur
des cartes qui restaient dans le jeu. Par exemple, si les quatre premières
cartes sont toujours : 2, 7, 13 (roi) et 4 = 26, alors le joueur doit d’abord
considérer combien de nombres premiers pourraient être « atteints ». Les
premiers qui suivent 26 sont 29, 31 et 37 (parce que la valeur la plus élevée
est 13, le roi, il n’est pas nécessaire de considérer des valeurs supérieures à
39 pour cet exemple). Ainsi un 3, un 5 ou un valet (11) mettrait la pile en danger,
mais n’importe quelle autre la ferait croître sûrement.
Se souvenir des valeurs encore contenues
dans le jeu peut aider. Par exemple, si vous êtes sur le point d’atteindre un total
de 70 à partir de 10 cartes, sachant qu’il n’en reste que trois dans le jeu, il
est indubitablement avantageux de savoir leur valeur. Mettons par exemple un 3,
un 6 et un 9. Dans une telle situation, le joueur devrait garder les 10 cartes
et commencer une nouvelle pile, parce que 73 et 79 sont tous les deux des
nombres premiers. Je me souvenais des valeurs de toutes les cartes du jeu, à
quelque moment que ce soit. Il y a quatre exemplaires de chaque type de carte
dans un jeu (quatre as, quatre 2, etc.). Je visualisais chaque ensemble de
quatre cartes comme un carré délimité par des points. Les carrés avaient différentes
valeurs et textures, dépendant de la valeur des cartes. Par exemple, je voyais
l’ensemble de quatre as comme un carré brillant et lumineux parce que j’avais
toujours vu le nombre 1 comme une lumière très brillante. Le nombre 6 m’apparaît
comme un petit point noir, de sorte que je voyais l’ensemble de quatre 6 comme
un trou noir de forme carrée. Pendant le jeu et quand je retourne les cartes, les
différents carrés changent de forme. Quand le premier as apparaît, le carré brillant
se change en triangle brillant. Quand le premier 6 est tiré, le carré noir
devient un triangle noir. Quand le deuxième as est tiré, le triangle brillant
devient une ligne brillante – et après le troisième as, un
Weitere Kostenlose Bücher