Je suis né un jour bleu
Il arrivait
que j’essaye de me boucher les oreilles avec du coton afin de ne pas entendre
le bruit de la brosse sur les dents. J’allumais également la petite télévision
de ma chambre afin de distraire mon esprit, sinon j’avais des haut-le-cœur. Tout
cela mis ensemble, j’arrivais à nettoyer mes dents, jour après jour. Lors de ma
première visite chez le dentiste, je mis du coton dans mes oreilles pour masquer
le son de la fraise et des autres appareils. Aujourd’hui, je peux me brosser
les dents deux fois par jour sans difficulté. J’utilise une brosse à dents électrique,
ce qui ne produit pas le même son rêche que la brosse à dents manuelle.
Apprendre à lacer mes chaussures fut tout
autant un problème. Aussi intenses qu’étaient mes tentatives, je ne pouvais
simplement pas demander à mes mains d’accomplir les manœuvres que l’on m’avait
montrées et remontrées. Un jour, ma mère m’acheta des boots Mother Hubbard avec
des lacets épais et grossiers – pour que je m’entraîne. Je passai plusieurs
heures dessus, jusqu’à ce que mes mains soient rouges et me démangent à force
de tripoter les lacets. Pendant ce temps, mon père continuait à lacer mes
chaussures tous les matins avant de m’emmener à l’école. J’avais 8 ans quand j’appris
finalement à le faire.
Il y avait aussi la question de la droite
et de la gauche (aujourd’hui je dois encore parfois fournir un effort de
concentration). Non seulement mon père devait lacer mes chaussures jusqu’à mes
8 ans, mais il devait aussi me les enfiler. Il m’arrivait d’être si frustré
quand j’essayais de mettre mes chaussures tout seul que, dans un accès de
colère, je finissais par les jeter. Mes parents eurent l’idée de coller des
étiquettes marquées « L » (left, gauche en anglais) et « R » (right, droite en anglais) sur chaque chaussure. Cela marcha et je fus finalement
capable d’enfiler seul mes chaussures et aussi de suivre un itinéraire simple
plus facilement.
Quand je marchais, y compris dans la rue,
je gardais toujours la tête baissée et regardais bouger mes pieds. Souvent je
heurtais quelque chose et je m’arrêtais. Ma mère, quand elle m’accompagnait, ne
cessait d’essayer de me rappeler à l’ordre, mais même quand je relevais la tête,
celle-ci finissait toujours par retomber. Un jour, ma mère me demanda de fixer
un point – une clôture, un arbre ou une maison – au loin et de marcher
sans le quitter des yeux. Cette astuce simple m’aida à garder la tête haute et
dans les mois qui suivirent, ma coordination s’améliora beaucoup. Je cessai de
tout heurter sans cesse et mon assurance devint plus grande.
À l’occasion des fêtes de Noël qui
précédèrent mon neuvième anniversaire, on me donna une bicyclette, ainsi qu’à
mon frère Lee. Mes parents fixèrent de petites roues sur les deux vélos. Mon
frère fut capable de s’en passer rapidement alors que les miennes restèrent
plusieurs mois — Lee avait pourtant deux ans de moins que moi. Mon
équilibre et ma coordination étaient médiocres et je trouvais difficile de
conduire et de pédaler en même temps. Je m’entraînais sur une chaise dans la cuisine :
je tenais une grande cuillère en bois devant moi en essayant de bouger mes
pieds en cercle contre les pieds de la chaise. Avec beaucoup d’entraînement, je
fus enfin capable de faire du vélo avec mon frère dans les rues près de la
maison. Il faisait la course, il allait bien plus vite que moi, je paniquais et
je tombais. Je finis par m’habituer aux chutes de vélo, ainsi qu’aux éraflures
et aux bleus sur mes mains et sur mes jambes.
Ma pauvre coordination rendit également
mon apprentissage de la natation lent et frustrant. Je fus le dernier enfant de
ma classe à savoir nager, ne serait-ce qu’une longueur de bassin. J’étais
paniqué par l’eau, paniqué à l’idée d’être enfoncé sous elle et de ne pas
pouvoir remonter à la surface. Les maîtres nageurs étaient sympathiques et me
donnèrent des bouées de bras et des blocs de mousse pour m’aider à flotter en
toute sécurité. Mais mes difficultés ne firent que renforcer mon sentiment d’être
différent des autres enfants – qui nageaient apparemment sans efforts
– et bien des années avant que je parvienne finalement à effectuer ma première
brasse. À l’approche de la puberté, je perdis enfin la peur de l’eau et
découvris que je pouvais flotter et me
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