Je suis né un jour bleu
elle
était rassurée car elle savait que je n’aurais pas de mouvement brusque. Elle
se détendait et restait sur moi. Souvent, je portais l’un de mes pulls épais et
rêches, même par temps chaud, car je savais que Jay préférait leur texture à
celle des T-shirts lisses ou d’autres vêtements.
Malgré toute son affection, à certains
moments, Jay était encore distante et indifférente à notre égard, et surtout à
l’égard de Neil, ce qui l’énervait beaucoup, je le savais. Je lui suggérai un
jour qu’elle avait besoin d’une compagnie, d’un autre chat avec lequel interagir.
J’espérais qu’elle apprendrait ainsi à être plus sociable et moins sauvage. Nous
lûmes les petites annonces dans le journal local. L’une disait justement qu’une
chatte venait d’avoir une portée. Nous passâmes un coup de téléphone et prîmes
rendez-vous. Quand nous arrivâmes le lendemain, on nous dit que plusieurs
chatons étaient déjà vendus et que seuls quelques-uns restaient. Je montrai du
doigt une petite chatte minuscule, noire et timide : on me répondit que
personne n’en voulait parce qu’elle était entièrement noire. Nous l’emmenâmes
immédiatement à la maison et l’appelâmes Moomin. Tout d’abord, sans surprise, Jay
ne fut pas très contente de sa nouvelle petite sœur : elle crachait et
grognait dès qu’elle la voyait. Avec le temps, pourtant, elle commença à tolérer
sa présence. Son changement de comportement fut graduel mais définitif : elle
devint bien plus affectueuse, réclamant d’être soulevée et portée, elle était
plus souvent heureuse, avec de longues périodes bruyantes où elle ronronnait et
des moments de jeu avec Moomin et avec nous. Elle faisait un merveilleux brrr dès qu’elle nous voyait auquel je répondais en m’accroupissant et en
frottant mon visage contre sa fourrure.
À l’été 2004 nous célébrâmes le cinquième
anniversaire de Jay en lui donnant de la nourriture supplémentaire et de
nouveaux jouets. Elle semblait avoir moins d’appétit et moins d’énergie que d’habitude,
ce qui, avons-nous pensé, était dû au temps très chaud. Elle s’allongeait
souvent et dormait à l’abri du lit, d’une table ou du porte-serviettes de la
salle de bain. Je comprenais très bien ce comportement car lorsque j’étais enfant,
je rampais souvent sous mon lit ou sous une table pour me sentir plus au calme
et plus en sécurité. Mais Jay se mit à le faire de plus en plus, nous évitant
dès qu’elle le pouvait. Puis ce fut la maladie. Elle vomissait beaucoup mais
seulement de la bile. Au début, nous ne prîmes cela que comme une nuisance
domestique supplémentaire, mais avec le temps nous commençâmes à nous inquiéter.
Elle perdait aussi du poids et se déplaçait de plus en plus lentement autour de
la maison. Neil l’emmena chez le vétérinaire, qui la garda en observation pour
des tests. Il nous annonça bientôt qu’elle avait une infection des reins, ce
qui était rare chez un chat si jeune, et qu’elle avait besoin de plusieurs
jours de soins à la clinique. Nous téléphonions tous les jours pour avoir des
nouvelles et l’on nous disait que son état était stable. Puis, au bout d’une
semaine, nous reçûmes un appel qui nous apprit que Jay ne répondait plus au
traitement et qu’il serait souhaitable de venir la voir.
Nous sautâmes dans la voiture. À la
réception, une femme nous accompagna dans un couloir étroit jusqu’à une pièce
grise et calme, de l’autre côté du bâtiment. Elle nous dit qu’elle nous
laissait seuls quelques minutes et disparut. Même à ce moment-là, je n’avais
pas conscience de la gravité de ce qui m’arrivait. Alors que nous nous tenions
silencieux au milieu de la pièce, je la vis. Jay était étendue, immobile, sur
un matelas blanc, entourée de tubes de plastique, émettant de faibles grognements.
En hésitant, j’allongeai le bras pour la caresser : son poil était gras et
elle n’avait plus que la peau sur les os. Soudain, comme une vague venue de
nulle part qui se brise sur un rocher, je sentis une émotion à l’intérieur trop
forte pour que je la retienne. Mon visage se mouilla et je sus que je pleurais.
Neil me rejoignit et la regarda. Lui aussi, il commença à pleurer doucement. Une
infirmière entra et nous informa qu’ils faisaient tout ce qu’ils pouvaient mais
que la maladie de Jay était rare et très sérieuse. Nous rentrâmes à la maison
et nous pleurâmes
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