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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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meurtrier ?
    – Lui-même. Il a été pris, voici deux jours, en état de rébellion, et on l’a conduit à la Huidelonne.
    Le roi demeura quelques instants méditatif, la tête baissée, cherchant quelque lueur à travers les obscures pensées de soupçon qui évoluaient dans son cerveau désemparé.
    – Oui, dit-il enfin d’une voix morne, c’est là en effet une heureuse nouvelle. Mon frère d’Orléans ne m’aimait pas. Il était l’ami de mes ennemis. Mais enfin il n’y a jamais eu de preuve qu’il ait comploté ma mort, et, en somme, c’est suffisant pour établir une bonne fraternité. Je me réjouis donc de la capture de son meurtrier. Vous veillerez, duc, à ce que son procès soit rapidement instruit…
    – Dans trois jours, sire, tout sera fini, dit le duc d’une voix qui vibra étrangement et alla faire tressaillir Bruscaille dans son coin.
    – Trois jours, dit le roi, pensif. Les procès sont plus longs d’habitude. Mais enfin, contre celui qui a meurtri un frère de roi, on ne procédera jamais trop vite. Comment l’appelez-vous ?
    – Le chevalier de Passavant.
    – Ah ! murmura le roi. J’ai entendu ce nom. Mais où ? Mais quand ?
    – Il sera condamné, continua Jean sans Peur. Les preuves abondent. S’il plaît au roi, l’exécution aura lieu dès le lendemain matin du jugement.
    – Cela me plaît ainsi, dit le roi.
    Jean sans Peur se retira, ayant eu la double habileté d’annoncer le premier l’arrestation de Passavant et de ne pas se vanter d’avoir lui-même préparé et mené à bonne fin cette arrestation – exploit que le procès devait mettre en suffisante valeur.
    Le roi, enchanté de se retrouver seul avec ses ermites, leur fit signe d’approcher et leur dit :
    – Allons, continuons nos exorcismes. Racontez-moi de ces bons fabliaux qui me font rire… Hé ?… Quoi ?… Je vous dis de me faire rire, bélîtres, je ne vous demande pas de pleurer !… Des larmes, ajouta Charles VI à mi-voix, il y en a vraiment trop dans le palais du roi.
    Bruscaille semblait consterné, Bragaille mâchait des jurons, Brancaillon sanglotait. Les pauvres diables étaient démoralisés par la catastrophe qui s’abattait sur Passavant.
    – Que signifie cela ? cria furieusement le fou. Quoi ! On se met à pleurer maintenant, quand je veux qu’on rie ? Suis-je, ou non, roi de France ?
    – Ah ! sire, commença Bragaille, c’est affreux…
    – Quoi ? Qu’y a-t-il d’affreux ? fit Charles VI déjà inquiet pour lui-même.
    Brancaillon s’avança. Il allait entamer l’explication. Mais Bruscaille le devança rapidement. Il ne perdait pas facilement la tête, ce digne sacripant. Il calcula donc que Brancaillon, en avouant le motif de sa douleur, allait tout simplement établir leur complicité à tous trois avec le meurtrier du duc d’Orléans.
    – Sire, dit-il avec précipitation, c’est une nouvelle manière que nous avons trouvée de vous faire rire…
    – Ah ! fit Charles très étonné. Faire rire avec des pleurs, la méthode est nouvelle, en effet.
    – Hé ! sire, dit Bruscaille, qui éclata en sanglots, il y a pleurs et pleurs. Il y a des larmes tristes. Il y en a qui font rire. Et quoi de plus risible, après tout, que la douleur ? Regardez, sire, voyez l’insigne grimace que nous faisons. Pleure, Bragaille ! Pleure, Brancaillon ! Pleurez donc, drôles, pour faire rire le roi ! Regardez-les, sire !
    Le fait est que Brancaillon surtout faisait une merveilleuse grimace. Il n’avait pas une figure tragique. Pour sincère que fût sa douleur, elle prenait fatalement un masque bizarrement déformé.
    Le roi regarda les trois ermites, et, en effet, éclata de rire.
    Ils étaient en ligne devant le fou, se lamentant et pleurant tout leur saoul. Le fou riait convulsivement…
    Tout en sanglotant, Bruscaille songeait : « Le moment approche où il faudra faire le grand geste d’exorcisme… le geste qui tue… » Pour qui eût pu saisir l’étrange conflit de sensations cruelles issues de cette scène, c’eût été là un spectacle sinistre. Et pendant ce temps, Jean sans Peur entrait chez Odette.
    Depuis la disparition de Champdivers et de Margentine, elle vivait plus retirée dans ses appartements. Elle portait le deuil. Son âme était triste. Non seulement la mort (certaine à ses yeux) de ceux qu’elle avait aimés l’avait désemparée, mais encore la pauvre fille se sentait condamnée elle-même. Des terreurs palpitaient

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