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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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dans l’air qu’elle respirait.
    Depuis le combat de la tigresse et du chien, elle vivait un effroyable cauchemar. Le chef des gardiens des fauves était bien venu s’agenouiller devant elle, et lui avait dit : « J’ai mérité la mort. Par ma négligence, la tigresse a pu s’échapper des cages, et si Dieu a voulu que vous fussiez sauvée, il n’en reste pas moins que, par ma faute, vous avez couru un terrible danger. Punissez-moi… Faites-moi pendre… La reine le veut ainsi… »
    Odette avait renvoyé cet homme.
    Mais l’explication, plausible après tout, ne l’avait pas convaincue. Elle s’attendait donc à la mort, mais elle ne songeait pas à fuir. La filiale affection qu’elle éprouvait pour le malheureux roi était, à cette époque de sa vie, son unique raison d’être.
    Il y avait bien en elle un autre sentiment, mais celui-là était profondément caché dans son cœur.
    Odette, donc, ce jour-là, dans ce petit salon où souvent Charles VI venait la voir, s’occupait de tapisserie au milieu de ses femmes. Dans la vaste embrasure de la fenêtre se tenaient quatre gens d’armes : c’était l’ordre du roi. Ainsi Odette se trouvait aussi prisonnière que pouvait l’être Isabeau.
    Jean sans Peur, en entrant, marcha droit sur la jeune fille et s’inclina.
    Il avait la tête en feu. Il lui semblait qu’il accomplissait une chose formidable. Il se maudissait d’être là, et il fût mort plutôt que de s’en aller.
    – Madame, dit-il, aurez-vous assez de confiance en moi pour me parler seule à seul et renvoyer vos gens ? Ce que j’ai à vous dire est secret.
    Odette de Champdivers se tourna vers les hommes d’armes de la fenêtre.
    – Vous avez congé, dit-elle d’une voix qu’elle s’efforçait de rendre paisible.
    Et, du même geste, elle renvoya aussi les femmes qui l’entouraient. Puis, d’instinct, comme pour être prête à tout événement, elle se leva.
    – C’est mon père, songeait-elle avec amertume, et je dois me garder de lui comme d’un ennemi !
    Un instant, ils se regardèrent. Ils étaient très pâles tous deux. La gorge sèche, les mains frémissantes, la pensée en délire, Jean sans Peur à voix basse, murmura :
    – Madame, avant tout, un mot. Croyez-vous à l’intérêt immense que je vous porte ? Devinez-vous dans le cœur du duc de Bourgogne la volonté qu’il a de vous faire heureuse, puissante, respectée ?…
    Odette leva sur cet homme, qu’elle savait être son père, son clair regard limpide, – et Jean sans Peur tressaillit en voyant dans ces yeux fiers cette lueur de tendresse qui l’avait affolé.
    – Monseigneur, dit-elle, respectée, je crois l’être : puissante, je ne le désire pas ; heureuse, je ne crois pas que j’y sois destinée. Quant à l’intérêt que vous daignez me porter, oui, je vous crois…
    – C’est tout, fit Jean sans Peur d’une voix fébrile. Si vous croyez à cela, vous m’écouterez. Un danger vous menace ; madame, il faut quitter l’Hôtel Saint-Pol et me suivre. À l’hôtel de Bourgogne, vous serez en sûreté. Nul n’osera ni ne pourra vous y atteindre. Ce n’est pas demain, ni ce soir qu’il faut fuir ce palais maudit ; c’est tout de suite. Me croyez-vous ? Oh ! dites que vous me croyez.
    Odette, lentement et doucement, hocha la tête :
    – Je sais que je suis menacée, je vous crois donc. Mais il y a dans ce palais un être qui est plus menacé encore que moi, qui a eu confiance en moi. Faible, triste abandonné, en butte aux ambitieux qui rôdent autour de lui attendant le moment de le dévorer. Il en appelle à ma faiblesse pour le protéger. Si je m’en vais, que lui restera-t-il ?
    – Le roi ! gronda sourdement Jean sans Peur.
    – Le roi, oui, monseigneur. Le roi qui n’a autour de lui que ces deux ou trois hommes qui le font parfois sourire, étranges ermites que j’ai cessé de soupçonner parce que je sais qui les envoie…
    – Vous savez ! balbutia Jean sans Peur. – Elle sait que Bruscaille a été envoyé par moi, et pour cela, elle a confiance en eux ! songea-t-il, éperdu.
    – Ce roi, donc, qui n’a près de lui que ces amuseurs, et son peintre de cartes, et moi qui réussis quelquefois à apaiser ses alarmes, je l’aime, monseigneur. Son cœur est bon. Et sa folie, ajouta-t-elle d’un accent de rêve, sa folie me paraît moins dangereuse que les hautes raisons d’État qui l’enveloppent. Non, monseigneur, je ne partirai

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