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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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sais cela, beau cousin. Continuez.
    – Les trois hommes que j’ai placés près du roi agiront au premier signe. J’ai vu ce matin leur chef, nommé Bruscaille. Madame, ajouta Jean sans Peur d’une voix frémissante, le roi est condamné. Quand vous le voudrez, vous serez veuve. Ce sera en même temps que le massacre des gens d’Armagnac.
    – Passez, mon cousin. Je sais cela…
    Jean sans Peur se rapprocha, baissa la voix. Et pourtant, ce qu’il venait de dire, un mot entendu par une oreille ennemie le condamnait à mort. Dans ce qu’il allait dire, rien de dangereux pour lui ou la reine :
    – Le meurtrier du duc d’Orléans est arrêté. Arrêté par des hommes à moi, portant mes insignes. Aucune accusation ne peut désormais nous atteindre. La confiance du monde de la cour et de la ville nous était nécessaire. Nous l’avons. Le signal d’agir sera donné le jour même où tombera la tête du meurtrier. Au coup de hache de l’exécuteur répondront les tocsins de toutes les paroisses.
    Cette fois, la reine demeura muette. Jean sans Peur, qui la considérait ardemment, ne put saisir en elle ni un frisson ni un tressaillement. Plus bas encore, d’une voix plus ardente, il murmura :
    – Ainsi le peuple de Paris ne demandera plus quel est le meurtrier ! Ainsi se terminera, pour lui et pour moi, le cauchemar de savoir vivant cet homme que vous… Ah ! par la damnation, je dirai donc pourtant ce que j’ai sur le cœur ! Cet homme, vous…
    – Que ferez-vous d’Odette de Champdivers ? interrompit Isabeau d’un accent paisible.
    Jean sans Peur eut un rauque soupir. Il s’arrêta, étourdi, fasciné. Toute la force d’Isabeau – la force de toute femme qui combat – venait de se manifester par un coup terrible, et toujours le même. Sans laisser au duc le temps de dire qu’elle aimait Passavant, elle le plaçait, elle, en présence d’une autre passion inavouée ; l’accusateur devenait accusé.
    – Odette de Champdivers ! balbutia-t-il en reculant.
    – Oui, dit la reine. Toute la question est là. Toute la question… Vous m’entendez, vous me comprenez. Traître à vos premiers engagements vis-à-vis de moi, meurtrier hier de votre cousin d’Orléans, meurtrier demain du roi de France, conspirateur, rêveur de puissance, impitoyable compétiteur décidé à ramasser dans des flots de sang une couronne que je vous offrais sans risques, hypocrite mendiant d’amour qui prenez ici le masque de la passion pour me cacher la vraie face de votre cœur, je vous, le déclare : ou vous êtes à moi tout entier, ou je vous abandonne. Vous vouliez parler… C’est moi qui parle. Vous me réservez la trahison suprême. Le roi assassiné, votre femme Marguerite morte par le poison, ou par la honte, ou par la douleur. Paris muselé. Armagnac anéanti. Bourgogne enfin maître du royaume et hissé sur le pavois par ses soudards sanglants, que devient Odette de Champdivers ? Que devient Isabeau de Bavière ? Que donnez-vous à l’une et à l’autre ? Je vais vous le dire. À l’intrigante qui a déjà fait de moi une prisonnière, vous offrez la couronne. Et à moi qui vous ai sauvé, élevé de marche en marche, vous offrez cette même coupe de poison que votre première amante, Laurence d’Ambrun, refusait de boire. Vous voyez, Jean de Bourgogne, je me dévoile à vous tout entière. Si je pensais à vous trahir, je vous cèlerais mes soupçons, mes certitudes, et si bien que vous me croiriez jusqu’au bout votre dupe. En ceci du moins, je suis loyale. Je vous parle avec toute la vérité de mon cœur, dût-elle nous tuer tous deux. Et voici ma volonté, duc : avant qu’on ne touche au roi, avant qu’on ne sonne le tocsin qui sera le signal du massacre d’Armagnac et de votre gloire, avant que ne tombe la tête de l’homme que vous venez de faire enfermer dans la Huidelonne, je veux être sûre de votre fidélité, moi. Je ne veux pas de serment. Je ne veux même pas de convention écrite comme celle que vous avez échangée avec ce manant, ce boucher, ce Caboche. Je veux un acte, un seul. Je veux la mort de celle que vous aimez. Odette vivante, je suis votre ennemie, duc. Je me retranche dans mes soupçons. Je vous suis pas à pas. Je vous dénonce. Je vous livre. Au moment même où vous allongerez la main pour saisir la couronne, vous trouverez le carcan de fer qu’on vous passera au cou. Odette morte, je suis votre, amante. Je suis votre femme. Je suis le génie qui vous

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