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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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costume ! s’écria Passavant qui ne put s’empêcher de rire.
    – Sans doute ! Eh bien, tel que vous êtes, tout déchiré, vous ne faites guère mine de gentilhomme. Aussi vous ai-je apporté un costume… et si vous vouliez…
    Passavant frémit. Il devina ou crut deviner quelque secrète intention chez le geôlier. Cet homme voulait-il donc le sauver ? Lui apportait-il donc un costume pour le rendre méconnaissable et lui permettre de traverser sans encombre les jardins de l’Hôtel Saint-Pol ?
    Il le regarda fixement. Mais le geôlier, froidement, lui montra le paquet, et grogna :
    – Si vraiment vous voulez me faire plaisir, hâtez-vous. Tout à l’heure il sera trop tard.
    Passavant ne se le fit pas dire deux fois. En moins de dix minutes, il eut opéré le changement et se trouva revêtu d’un fort beau costume qui lui seyait parfaitement.
    – Cette dague à votre ceinture, dit le geôlier.
    Et Passavant plaça à sa ceinture la forte dague que lui tendait le geôlier.
    – Maintenant, votre épée !
    Et le prisonnier ceignit l’épée, bonne lame solide qu’il eut soin de vérifier.
    – Maintenant, votre escarcelle !
    Et le geôlier attacha lui-même une escarcelle de cuir dans laquelle tintaient une douzaine d’écus d’or. Passavant, stupéfait et palpitant, se laissait faire.
    – C’est, dit le geôlier, le dernier argent que m’aura fait gagner le sire de Bois-Redon. Vous ne comprenez pas, mais peu importe. Vous voici maintenant un vrai gentilhomme. Rien n’y manque, le costume, l’épée, la dague et l’escarcelle. Maintenant, l’honneur que vous me voulez faire sera complet. En garde, donc, en garde !…
    Le geôlier tomba aussitôt dans la position de garde et, machinalement, le prisonnier l’imita.
    – Voilà ! songea Passavant en touchant le fer de l’étrange adversaire, un coup droit à fond, droit au cœur… le coup qu’il m’a enseigné… et cet homme tombe. Alors, je lui prends ses clefs, je monte à la surface de la terre. Grâce au costume qu’il m’a apporté, nul ne me reconnaît. Grâce à l’or dont il m’a muni, je puis fuir… Oui. Je n’ai plus qu’un coup à porter…
    – Défendez-vous, par les saints et les démons ! Défendez-vous donc !…
    Le geôlier attaquait vivement. Passavant reculait.
    Ce coup qu’il lui fallait porter, dix fois en quelques minutes, lui fut presque offert par le geôlier qui se découvrait, commettait d’étonnantes maladresses, et, d’une voix furieuse, répétait :
    – Mais attaquez donc, mort-diable ! Tout à l’heure, il va être trop tard !
    – Trop tard ? Pourquoi trop tard ?
    – Pour fuir, donc !
    Il y eut un bref silence. Le regard qu’échangèrent ces deux hommes fut un regard de véritable défi. Car le sacrifice et le dévouement ont leurs fureurs comme la colère et la haine. L’attitude du geôlier était d’une aveuglante clarté. Elle criait : « Tuez-moi et prenez les clefs pour fuir… »
    – N’y a-t-il donc que ce seul moyen ? dit Passavant à haute voix.
    Le geôlier comprit parfaitement de quoi il s’agissait.
    – C’est le seul moyen, dit-il d’une voix calme. Et encore faut-il vous hâter.
    Passavant rengaina son épée. Une puissante émotion lui étreignait le cœur. Ses yeux s’embuaient de larmes.
    – Que faites-vous ? grogna le geôlier. En garde, en garde, ou je vous charge ! Mort-Dieu ! Et moi qui voulais voir vos progrès ! Voilà que vous ne voulez plus vous battre ? Je n’y comprends rien !
    – Pardonnez-moi, dit le chevalier d’une voix tremblante. C’est vrai. J’ai fait cet affreux rêve que vous avez deviné : de conquérir la liberté en sacrifiant votre vie…
    – Bah ! Bah ! Que vaut ma vie ? Je suis vieux. Quelques années de plus ou de moins, et puis, je vous assure, cette vie que vous voulez me ménager… à quoi sert-elle ? Je n’ai fait que du mal. J’en ferai encore si je vis. Un geôlier, c’est presque un bourreau. Je ne tiens pas à vivre plus longtemps. Il y a ce diable de serment que j’ai fait en présence du prêtre, sans quoi, je vous ouvrirais tout simplement la porte. Je ne peux pas. Et pourtant, vous devez vivre, vous. Il le faut, sinon pour vous-même, du moins pour elle !… Elle vous attend. Je le sais. Et je sais aussi ce qui la menace. Tenez, les clefs sont là, à ma ceinture. Ne faites pas l’enfant : un bon coup d’épée, et vous les prenez. Par exemple, je vous demande de ne

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