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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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pas manquer le coup.
    Passavant avait écouté, tête basse. Le geôlier s’approcha de la porte, écouta un instant, puis revint en disant :
    – Nous avons encore un petit quart d’heure…
    – La dernière leçon, murmura Passavant. La dernière leçon d’armes, vous venez de me la donner. Je pense à ce qu’aurait été ma vie si je vous avais tué ; heureusement, cela n’est pas, cela n’eût pas été, « même pour elle »… Cela ne sera pas. Allons, geôlier, merci de m’avoir habillé de neuf pour aller à la place de Grève.
    – Vous ne voulez pas fuir ? gronda le geôlier, sincèrement stupéfait.
    Passavant fit un pas vers le geôlier et lui tendit la main.
    – Quoi ? fit l’homme abasourdi. Moi ! Un manant ! Un geôlier !
    Et il saisit la main du chevalier qu’il étreignit. De confuses idées passèrent dans sa tête. Il se dit que peut-être il était semblable à un autre homme, à un bourgeois, et même à un noble. Passavant souriait. Il n’était plus question de fuir. Tout cela s’était fait très simplement, et cette scène n’avait demandé que peu de minutes.
    – Je vous tiens pour un brave à l’égal de n’importe quel haut baron, dit paisiblement Passavant. Vous avez voulu vous laisser tuer pour assurer ma fuite…
    – En me donnant votre main, dit le geôlier avec la sincérité de son héréditaire humilité, en m’élevant ainsi au-dessus de ma condition, vous m’avez payé cela au delà. Je suis votre débiteur. Et je puis bien risquer maintenant…
    Il s’arrêta, tout pâle.
    – Risquer quoi ? palpita le chevalier qui se remit à trembler.
    – Eh ! mort-diable, oui, je puis bien risquer mon âme !
    – Allons ! dit Passavant en se dirigeant résolument à la porte.
    Une seconde, le geôlier, le considéra avec étonnement.
    – Il refuse de me tuer, songea-t-il, et il accepte que je perde mon âme par un parjure… Oh ! oh ! Le salut de l’âme est cependant chose plus grave que celui du corps, à ce que j’ai toujours ouï dire…
    Quelques instants plus tard, tous deux se trouvaient hors du cachot que le geôlier, par geste machinal, referma avec autant de conscience que l’habitude. Ils montèrent, le chevalier frémissant, et le geôlier ruminant de vagues pensées où le salut de son âme tenait le premier rôle. Quand ils furent au rez-de-chaussée, le geôlier jeta un rapide coup d’œil au dehors.
    – Il était temps, dit-il.
    – Quoi ? fit Passavant.
    – On vient vous chercher.
    Le chevalier regarda, et au loin dans la direction du palais de Charles VI, vit venir une troupe d’archers. Mais maintenant, libre, de l’air et de l’espace devant lui, une bonne épée à la main, il ne craignait plus rien.
    – Oui, dit-il froidement, il est temps, en effet. Partons. Vous venez avec moi ?
    – Il le faut bien, grogna le geôlier. Si vous partez seul, vous allez sûrement vous heurter à ces gens. Il faut que je vous guide. Après quoi, ajouta-t-il avec un soupir, je reviendrais reprendre ma place, ici. Allons, où voulez-vous que je vous mène ?
    – Au palais du roi, dit Passavant.
    – J’en étais sûr ! songea le geôlier.
    Ils se mirent en route, tournant d’abord le dos à la troupe qui venait, et se dirigeant vers la Bastille ; puis, longeant le chemin de ronde, ils gagnèrent cette petite porte par où Passavant était entré un soir. De là, par des chemins détournés, à travers les cours, ils marchèrent sur le palais du roi.

XX – LE PARCHEMIN
    Nous devons maintenant revenir au moment où Tanneguy du Chatel arrivait en vue du logis de Saïtano. Le brave capitaine n’était pas sans éprouver quelque émotion à l’idée de pénétrer dans l’antre du sorcier, lieu maudit, à coup sûr, où l’on risquait de se trouver nez à nez avec quelque démon de la pire catégorie. L’homme qui s’était offert à le conduire n’avait pas sans doute de ces craintes, car il frappait déjà à la porte. Bientôt le judas s’entr’ouvrit. L’homme dit son nom à voix basse. Il y eut quelques pourparlers, puis la porte s’ouvrit, et Tanneguy entra à la suite de son compagnon. Saïtano jeta un regard sur le capitaine.
    – Messire, dit le guide, je vous amène un seigneur qui a quelque chose d’important à vous demander. Je lui ai promis votre aide.
    – Inutile ! dit le sorcier d’une voix basse. J’ai résolu de ne plus m’occuper de rien, ni de personne. Si vous voulez un philtre, ou

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