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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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fauteuils vers le fond à droite, et un peu partout des morceaux de menus meubles fracassés… La bataille avait été rude.
    Enfin, il découvrit le roi dans un fond obscur. Il était couché sur le côté gauche, inerte, un bras replié, l’autre allongé, la main crispée encore au manche de la dague. Inquiet, il murmura :
    – Où sont-ils ?…
    Où étaient les assassins ?… Au fond, face à lui, il vit tout à coup l’autre porte ouverte, et il tressaillit.
    – Ah ! fit-il à mi-voix, ils ont deviné ce qui les attendait. Ils ont fui par là. Bah ! on les retrouvera. Toutes les issues de l’Hôtel Saint-Pol sont gardées.
    Ocquetonville eut un mouvement comme pour entrer dans la salle. Puis il recula. Il n’osait pas !… Il frissonnait à la pensée de s’approcher de ce mort. Car ce mort, c’était encore la Majesté, la Puissance, la presque Divinité… C’était le Roi !… Doucement, comme il l’avait ouverte, il referma la porte… il la referma à clef. Et il dit :
    – Allons annoncer à monseigneur que le roi est mort !
    Si Ocquetonville était entré dans cette salle où l’on venait d’assassiner le roi de France, dix minutes plus tard environ, il eût vu un étrange spectacle : le roi assis sur le tapis, à l’endroit même où il était tombé, le roi manipulait activement sur ses genoux des carrés de carton armoriés et enluminés. D’une voix rapide, il murmurait : « Où est ce Gringonneur du diable ? Je veux voir Gringonneur. Je veux lui montrer ce coup superbe… »
    Le roi jouait aux cartes.

XXIII – ROSELYS
    Midi sonnait. Nous avons fixé le geste de chacun des figurants. Supposons maintenant tous ces figurants immobilisés en ce geste comme par un brusque arrêt du cinéma ; les gestes s’achèveront lorsque la bande se remettra à se dévider. Il faut pour cela que quelqu’un vienne actionner l’appareil.
    Midi, lentement, tintait au jacquemart du logis royal, répété par les horloges des autres palais de l’Hôtel Saint-Pol, répété au loin par l’horloge fameuse du palais de la Cité, par les horloges aussi de quelques églises déjà munies de cet ornement.
    Sur Paris, pesait un orageux silence du fond duquel, parfois, montaient des bouffées de rumeur.
    La foule houleuse, sur la place de Grève, attendait le condamné. Sur l’échafaud, le remplaçant de maître Capeluche allait et venait, nerveux, impatient.
    Au premier rang du populaire massé contre la barrière d’archers, Tanneguy du Chatel attendait aussi, roulant des pensées héroïques, rêvant de bousculer à lui seul tout ce peuple pour sauver son ami.
    Dans la Cité, des groupes de mariniers et de bouchers, distribués par bandes disciplinées, attendaient, elles aussi, le signal de l’émeute que devait donner le gros bourdon de Notre-Dame.
    Dans l’une des rues qui débouchaient sur le Val d’Amour, rue pleine de neige, enfouie dans le silence, en l’un de ces pauvres logis qu’habitaient des filles folles de leur corps, comme on disait alors, une scène venait de se dérouler, et nous devons la retracer.
    Vers neuf heures du matin, Saïtano était entré dans cette rue, escorté d’un homme qui le suivait pas à pas. Le sorcier, en diverses maisons, entra, et s’enquit d’une femme qu’il dépeignit avec exactitude : il était sur la piste de Laurence d’Ambrun.
    Ce fut ainsi qu’il parvint au logis d’Ermine Valencienne. Il pénétra dans la maison, entra chez Ermine, et quand il eut constaté que Laurence était là, il redescendit pour donner un ordre à son compagnon. Cet homme s’élança vers la rue Saint-Antoine et arriva bientôt au logis de Tanneguy du Chatel. On a vu qu’il ne trouva pas le capitaine…
    Le sorcier était monté chez Ermine…
    Laurence était là, ou plutôt, alors, Jehanne Trop-va-qui-dure. Elle tremblait devant Saïtano, comme une pauvre bête peut trembler devant le dompteur. Elle eût voulu fuir, et elle sentait bien qu’elle n’en eût pas eu la force, que le sorcier n’avait qu’à la toucher du doigt pour l’immobiliser.
    Ermine murmura une prière, et, réconfortée sans doute, elle se plaça entre Saïtano et Laurence.
    – Je sais qui vous êtes, dit-elle d’une voix ferme. Souvent, lorsque je vous voyais passer à la tombée de la nuit, dans votre manteau rouge, pareil à un spectre venu pour tourmenter les vivants, je m’enfuyais, et bien d’autres avec moi, et des hommes aussi. On connaît votre puissance. On

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